C’est un Auscitain, également demi de mêlée, qui a permis à Toto de signer son premier contrat pro à Castres, où il entraînait. Serge Milhas revient sur la genèse forcément gersoise du nouveau phénomène du rugby mondial.
Depuis quand connaissez-vous Antoine ?
Avant Toto, j’ai connu son papa, Jean, et des amis proches l’ont longtemps hébergé sur Auch, où j’habitais aussi. Il était indissociable d’Anthony (Jelonch). Je les ai vu tous les deux jouer pour la première fois lorsqu’ils étaient cadets avec Auch et en sélection. Ensuite, lorsque j’étais à Castres, c’est moi qui l’ai fait venir au CO. D’ailleurs, je crois bien qu’il est le premier et le seul joueur de moins de 18 ans à avoir joué en Top 14. Il avait été compliqué d’obtenir une dérogation. Mais ça valait le coup. Il méritait de jouer. Sa précocité était impressionnante.
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Comment aviez-vous fait pour l’attirer à Castres ?
J’étais le premier étonné que le Stade Toulousain ne s’intéresse pas à lui alors qu’Antoine n’attendait que ça. Il avait été très marqué par sa période Jolimont (le lycée sport-études toulousain où il a obtenu son bac SVT en 2014, Ndlr), et je pense qu’il correspondait complètement à la culture de ce club, à son histoire. Quand ils l’ont appelé, il n’a pas hésité une seconde.
Quel rugbyman était-il à Auch ?
Il gagnait tous les duels, était hyper performant dans ce registre. Mais, techniquement, il devait progresser sur sa passe et son jeu au pied. Dix ans après, il est un des meilleurs techniciens du monde, un mec en avance sur son temps. Aujourd’hui, il est le prototype de joueur idéal qui comprend tout. A la limite, on n’a rien à lui apprendre.
Antoine Dupont aime l’histoire du rugby
Imaginiez-vous le voir un jour aussi fort ?
Je savais qu’il avait le potentiel pour évoluer en Top 14 sans problème. De là à en faire le meilleur joueur du monde… non. Je n’ai jamais eu cette prétention. Même en équipe de France, rien n’était écrit, il a fallu qu’il se le gagne et qu’il progresse.
Qu’est-ce qui a fait sa force ?
Il adore le rugby, son histoire, ses joueurs, d’hier et d’aujourd’hui car il est capable de citer des joueurs d’il y a trente ou quarante ans. Surtout, il a beaucoup réfléchi au jeu. Pour cette raison, s’il n’a pas révolutionné le poste, je pense qu’il a révolutionné le rôle du demi de mêlée.
« Si Auch n’était pas descendu, il serait resté »
Dans quel sens ?
A mon époque, le demi de mêlée était celui qui colmatait les brèches, qui compensait les erreurs de ses coéquipiers. Toto, lui, parvient à bonifier les ballons, à valoriser les qualités des autres joueurs. Au-delà de sa qualité individuelle, qui est énorme, sa réflexion porte sur la meilleure manière de valoriser les actions de ses coéquipiers. C’est pour ça qu’on l’appelle le ministre de l’intérieur. Avec lui, le demi de mêlée a acquis une autre dimension.
Comment expliquez-vous qu’il fasse l’unanimité sur son jeu ?
Cela va bien au-delà de son jeu, ça concerne sa personnalité. Il est tellement humble et exemplaire qu’on lui pardonne les rares erreurs qu’il peut faire. Même lorsqu’il prend un carton rouge, alors qu’il ne l’a pas fait exprès, il s’excuse.
Quel impact a eu son passage à Auch ?
Il ne peut pas être très important car il n’y est pas resté assez longtemps et il était jeune, en cadet et en junior. Si Auch n’était pas descendu, pour finalement disparaitre du paysage professionnel, avec Anthony (Jelonch), ils seraient restés. A 17 ans, ils auraient joué en Fédérale 1. Ils sont tous les deux très attachés au club. Ils revendiquent d’ailleurs leur histoire gersoise avec Anthony et Greg (Alldritt). Même si Toto est à la limite des Hautes-Pyrénées.
A quel autre joueur que vous avez croisé vous fait-il penser ?
A Fabien Galthié avec qui j’ai joué et que j’ai entraîné. Je l’ai connu dans ses meilleures années. S’il n’avait pas le même caractère, il avait la même exigence envers lui-même et les autres. Dans sa dimension de joueur, ils se ressemblent.