Les managers du Top 14 ont souvent parcourus des dizaines de kilomètres sur les terrains de rugby. Joueurs étrangers, français, proches de leurs clubs de leurs débuts, ils embrassent aujourd’hui une carrière de manager au plus haut niveau. Récit de ces managers chevronnés du rugby français.
Aujourd’hui, le rôle de manager au sein du TOP 14 a évolué en même temps que la médiatisation du rugby. Plusieurs anciens joueurs de l’équipe de France notamment entrainent au plus haut niveau avec une philosophie bien a eux. Cependant, le TOP 14 ne serait pas l’un des meilleurs championnat au monde sans l’apport des techniciens étrangers.
Ils sont managers étrangers dans le Top 14
Ils ne sont pas légion. Mais quelques managers étrangers sont bien présents en Top 14. Jeremy Davidson (Brive), Mauricio Reggiardo (Castres), Gonzalo Quesada (Stade Français) et Jono Gibbes (La Rochelle) notamment. L’Irlandais Davidson, ancien 2ème ligne, a eu une carrière de joueur bien remplie (Dungannon, Ulster, London Irish, Castres…). Le natif de Belfast s’est aussi accompli dans une carrière d’entraîneur avant de diriger Brive (Dungannon, Castres, Ulster, Aurillac, Bordeaux…).
L’Argentin Reggiardo a lui souvent été appelé comme pompier de service dans le club tarnais. Mais cet ancien pilier ayant fait une grande partie de sa carrière à Castres comme joueur (entre 1996 et 2005) a également entraîné d’autres équipes françaises que le CO (Mazamet, Albi, Agen, mais aussi entraîneur des avants des Pumas…).
Son compatriote du Stade Français Paris, Quesada, a surtout fait une brillante carrière comme ouvreur dans notre championnat (Narbonne, Béziers, Stade Français, Pau, Toulon…). Le natif de Buenos Aires a acquis de grandes responsabilités par la suite dans le coaching (Racing 92, Biarritz, Jaguares…).
L’ancien joueur d’Hindu a même été entraîneur adjoint de l’équipe de France sous Marc Lièvremont entre 2008 et 2011 et celui des Pumas sous Ledesma en 2018. Seul manager du Top 14 originaire de l’hémisphère Sud, Jono Gibbes est Néo-Zélandais. Cet ancien 3ème ligne n’a joué que dans son pays (province de Waikato, Chiefs).
Ce n’est qu’en tant qu’entraîneur qu’il s’est exporté avant de venir à La Rochelle en juin 2018 (adjoint au Leinster, adjoint à Clermont entre 2014 et 2017, Ulster, mais aussi Waikato…).
Laurent Travers (manager du Racing 92) : « C’est toujours bon d’avoir des approches différentes »
Ce savoir-faire étranger est une source d’inspiration pour les managers français : « C’est toujours bon d’avoir des approches différentes, des visions diverses dans la préparation d’un match, des entraînements, au niveau de la vidéo. C’est une ouverture d’esprit d’avoir des entraîneurs étrangers dans les staffs, cela oblige à regarder ce qui se fait ailleurs » souligne Laurent Travers (Racing).
Christophe Urios (UBB) est du même avis : « On progresse aussi en permanence car il y a la différence des genres, une culture différente. J’aime voir des chapelles en me disant que tel club représente telle force. Souvent elle est représentée par des managers. Les étrangers apportent leur façon de voir le rugby. Mais j’aime aussi beaucoup les Français…»
Les managers, anciens internationaux
La plupart des managers du Top 14 ont un passé de joueur international. De Bru à Bayonne (18 sélections entre 2001 et 2004), Davidson (32 sélections avec le XV du Trèfle entre 1995 et 2001 et 3 avec les Lions en 1997), Reggiardo (50 sélections entre 1996 et 2003 avec l’Argentine), Mignoni du LOU (28 sélections entre 1997 et 2007), Mola du Stade Toulousain (12 sélections entre 1997 et 1999), Garbajosa du MHR (32 sélections entre 1998 et 2003), Gibbes a porté, lui, le maillot des Blacks 8 fois en 2004/2005, et Collazo le manager du RCT a été sélectionné 1 fois le 28 mai 2000 contre la Roumanie.
D’autres ont tiré leur épingle du jeu dans leur club respectif, sans jamais avoir pu représenter leur pays, Régis Sonnes (Agen), Christophe Urios (Bordeaux), Franck Azéma (Clermont, en U21), Laurent Travers (Racing 92) par exemple.
C’était aussi le cas du duo Godignon/Manca à Pau (mais la préparation des matches ne leur a plus été confiée après six défaites de rang et ils ont été remplacés par le trio d’entraîneurs Thomas Domingo (36 sélections), Geoffrey Lanne-Petit et Paul Tito). Finalement, la combinaison très grand joueur/très grand entraîneur n’est pas automatique.
Christophe Urios (manager de l’UBB) : « Je ne dis pas qu’avoir été international ne sert pas dans la fonction »
Laurent Travers en convient : « Je ne sais pas s’il faut avoir été un très grand joueur pour être un très grand entraîneur. Ce qui est sûr, c’est qu’un grand joueur ne fait pas forcément un grand entraîneur et un joueur moyen ne fait pas forcément un entraîneur moyen. Néanmoins, on est plus crédible aux yeux des joueurs quand on a été joueur soi-même, le discours passe plus facilement. Chaque joueur a une vision différente de l’entraîneur, mais on sait de quoi on parle quand on a été joueur ».
Christophe Urios va plus loin : « Je ne dis pas qu’avoir été international ne sert pas dans la fonction, avoir été un joueur de haut niveau te permet d’appréhender le haut niveau, mais le métier impose une remise en cause permanente. C’est celui de chercheur. Tu veux progresser, mais tu dois être humble aussi. C’est un travail au quotidien. Et, derrière, c’est surtout une expertise technique que tu vas délivrer à tes joueurs et non ton expérience en tant que joueur ».
Ils ont été joueurs dans les clubs de Top 14 où ils sont managers
C’est le cas de bon nombre d’entraîneurs puisque Sonnes a été joueur à Agen (de 1998 à 2001), Reggiardo à Castres (entre 1996 et 2005), Azéma à Clermont (entre 1996 et 2000), Quesada au Stade Français (2004-2005) (c’était aussi le cas de Manca à Pau entre 2011 et 2014). Collazo, lui, connaissait déjà le RCT depuis ses années juniors avant de rejoindre Bordeaux en 1996. Quant à Mola, il a fait des prouesses à Toulouse au plus haut niveau entre 1990 et 1996.
Au total, cette culture club est bien ancrée pour 50% du contingent des managers : « Au-delà de cela, la clé principale de l’entraîneur est l’authenticité. Cela doit être vrai dans ce que tu fais et dans celui de respecter les valeurs. C’est aussi respecter l’endroit où tu vis et où tu entraînes. Tu dois être capable de t’adapter à la culture du club, à la force du territoire, à la qualité du club. Même si tu n’y as pas évolué en tant que joueur, tu ne peux pas faire table rase. Des gens avant toi ont porté le maillot, ont sué dedans et ont fait du bon boulot » insiste Christophe Urios qui n’a jamais été joueur de l’UBB.
En solo plutôt qu’en duo dans le Top 14
Si on regarde ce qui se fait dans le Top 14 en terme de management, on se rend clairement compte qu’il n’est pas partagé. Il n’y a qu’à la Section Paloise que ces rôles le sont davantage.
Nicolas Godignon et Fred Manca après les mauvais résultats ont perdu de leur crédit auprès de la direction aux dépens du trio d’entraîneurs Thomas Domingo (pilier de l’ASM entre 2006 et 2017 et de Pau entre 2017 et 2019)-Geoffrey Lanne-Petit (31 ans, ancien demi de mêlée de Tarbes, Lannemezan, Nevers) et Paul Tito (ancien 2ème ligne des Chiefs, Hurricanes, Cardiff Blues).
Une expérience en duo que Laurent Travers a pendant de longues années expérimentée avec Laurent Labit avant que ce dernier ne rejoigne le staff des Bleus.
« Cela fait deux ans que notre duo est fini, rappelle le manager du Racing 92. Sur le coup, ça fait un peu bizarre car on a pris des habitudes, comme ne plus le voir le matin, être seul devant les joueurs. Mais je n’ai pas eu le temps de réfléchir. Le haut niveau ne permet pas d’être patient. Avec le recul, c’est une bonne expérience de casser la routine qui s’était installée, comme dans un couple ».
Il poursuit : « C’est motivant d’être seul. Il faut tout gérer, l’approche est différente. Le négatif, c’est que quand on était en duo on pouvait partager nos avis, discuter sur les matches, les choses à changer. On se concertait aussi pour prendre les décisions » conclu Laurent Travers.
Christophe Urios a un avis tranché sur la question : « Cela dépend surtout de la sensibilité des gens. Le manager doit être seul à la tête d’un staff. Je ne crois pas à la responsabilité de plusieurs personnes. Je ne dis pas que j’ai raison, mais c’est ma vision des choses ».
Les anciens talonneurs et les demis à l’honneur
On ne mène pas une carrière de joueur de haut niveau sans réflexion et analyse. Devenir manager, c’est aussi en partie l’expression et l’émanation du joueur qu’on a été.
Laurent Travers l’explique très bien : « Le poste de talonneur par exemple est un liant entre les avants et les 3⁄4. Beaucoup de choses et de décisions sont prises par le talonneur. C’est le lanceur de l’équipe. C’est un poste à responsabilités comme le 9. Ils participent beaucoup au jeu, l’analysent. Donc effectivement peut-être que beaucoup d’entraîneurs sont issus de ces postes ».
Un poste où Bru a excellé tout comme Laurent Travers et Christophe Urios d’ailleurs. Sonnes, Gibbes ont été 3èmes lignes, Domingo Reggiardo et Collazo piliers, Azéma centre, Mignoni demi de mêlée et Quesada ouvreur, Garbajosa arrière, et Mola ailier.
« Il y a certains postes comme talonneur, 9 et 10, note Sonnes. Ces joueurs donnent souvent de la voix et prennent des décisions stratégiques sur des directions de jeu. Mais, avant tout, pour être entraîneur/manager, il faut être un leader et en avoir l’âme. Elle se forge en tant que joueur. Un talonneur est un leader de pack. C’est lui qui a un regard sur la mêlée, la touche et le jeu d’avants ».
Ce n’est pas Christophe Urios qui dira le contraire : « Il y a effectivement des postes qui peuvent t’orienter vers le métier d’entraîneur. J’ai été talonneur. Il y a pas mal de talonneurs au poste comme Servat (en équipe de France, Ndlr). Le talonneur est souvent un rassembleur, il amène son équipe au combat, il passe devant. Il doit analyser et être performant sur la touche. On retrouve chez lui cette partie tactique qu’on demande à l’entraîneur. Ensuite, c’est surtout une question de personnalité » Conclusion, il faut de tout pour faire un monde et pour être manager en Top 14 !