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Yoann Richomme va faire son premier Vendée Globe : « Le moteur, c’est la compétition »

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Double vainqueur de la Solitaire du Figaro en 2016 et 2019 et double vainqueur de la Route du Rhum en 2018 et 2022, Yoann Richomme (Paprec Arkéa) s’apprête à disputer son premier Vendée Globe.

Qu’est-ce que ça représente de participer à son premier Vendée Globe ?

Un certain aboutissement. Ça fait 15 ans que je fais de la course au large et j’ai un peu construit ma carrière, sans toujours rêver au Vendée Globe, mais c’est devenu une évidence avec le temps, avec les résultats, avec les ambitions. Me voilà aujourd’hui sur la ligne de départ. Je suis très fier du parcours accompli jusque-là. Malgré tout, ce qu’on a fait avant ne compte pour rien, c’est ce qu’on va faire demain qui compte (sourire). Mon objectif est de réaliser le plus beau Vendée Globe possible. 

Visez-vous la victoire ? 

On y va toujours pour gagner, on y va toujours pour donner le meilleur de nous-même. Malgré tout, les objectifs raisonnables, ça reste un Top 5 voire plutôt un Top 3. On saisira les opportunités comme elles viendront. On a une grosse dépendance au scénario météo aussi. On a des bateaux qui sont typés très différemment. Par exemple, mon bateau et celui de Charlie Dalin sont à des opposés de l’optimisation. Du coup, des scénarios météo différents peuvent avantager l’un ou l’autre et dans ce cas-là on n’y pourrait pas grand-chose. Malgré tout, il faudra garder la motivation, se remettre des objectifs un peu différents. On peut aussi faire une partie du tour du monde avec un bateau handicapé. On a pour objectif de le finir déjà, c’est le premier critère. Dans le top 5 ensuite, et plus si affinités. 

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Y a-t-il un peu de peur d’affronter des mers redoutables ?

Je ne suis jamais allé au sud du Brésil donc je ne connais pas les mers du Sud. Malgré tout, dans le proche Atlantique, on connaît déjà des belles tempêtes, on en avait notamment pris une au retour à la base qui avait été assez virulente. Là, on sait qu’on rentre dans un tunnel d’un mois dans le Sud avec un potentiel d’enchaînement de tempêtes assez compliqué. Je m’y prépare mentalement, mais ça ne me fait pas plus peur que ça. 

Comment s’y prépare-t-on mentalement ?

En préparation mentale, en discussion avec les autres marins qui y sont déjà allés sur comment utiliser le bateau, quel choix de voile. C’est un processus qui a été long puisque ça a nourri aussi le processus de design du bateau. Ça fait plusieurs années qu’on est sur le dossier. C’est un peu tout ça qui est dans notre tête et qui nous permet de visualiser comment ça va se passer dans le Sud. 

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Avec quels skippers avez-vous discuté ?

Damien Seguin, Paul Meilhat, Charlie Dalin… Il y a une très bonne entente entre les skippers. On a l’échange facile. 

« Je prends mon bateau comme on prend une voiture. Les risques, je les connais, je sais qu’ils ne sont pas forcément tous maîtrisables »

Votre famille n’a-t-elle pas d’appréhension de vous voir partir dans des endroits aussi hostiles ?

Ça dépend des personnes. Si vous demandez à ma mère, elle est très inquiète. D’autres sont plus en confiance. Je n’ai jamais souffert de gros problèmes. Je ne suis pas un casse-cou dans ma navigation, dans ma prise de risque. Malgré tout, ça comporte des risques. Ce n’est pas anodin. On va dans les mers les plus retranchées du monde, les plus éloignées de toute terre, très éloignées de tout sauvetage. Nos meilleurs sauveteurs seront nos amis, nos concurrents. On a beaucoup d’éléments de sécurité à bord. On a des bateaux qui sont très sécurisants, mais on n’est pas constamment à penser à ça. Pour moi, c’est un peu comme si vous prenez votre voiture la nuit et que vous pensez toujours à taper un sanglier ! Si vous avez peur à chaque virage, vous restez chez vous, vous ne sortez plus. Moi c’est pareil. Je prends mon bateau comme on prend une voiture. Il y a des risques malgré tout, je les connais, je sais qu’ils ne sont pas forcément tous maîtrisables. 

Le Vendée Globe, cela reste-t-il toujours l’Everest pour un marin ?

Je n’aime pas comparer les épreuves entre elles. Elles ont des styles différents. Je suis un énorme fan de la Solitaire du Figaro, du Tour de France à la voile. J’ai fait la Route du Rhum deux fois. C’est un très bel événement. Malgré tout, dans sa complexité, sa mise en œuvre, son niveau technique, son côté aventure, le Vendée Globe représente quelque chose de très spécial et un peu à l’écart de la pure régate que l’on peut faire parfois sur l’Atlantique. On rentre dans une petite part d’aventure qui est assez sympathique à préparer.

« J’amène une liseuse pour lire des livres. J’écoute aussi beaucoup de podcasts »

40 concurrents sont inscrits. Le départ va être un moment clé. 

On est habitué, on a déjà pris le départ de Route du Rhum à 55 Class 40. Là, les épreuves de cette année, on a dépassé les 30 à chaque fois. Donc on est plus ou moins habitué à prendre ces départs-là. Il n’y a que des bons navigants autour de nous. Tout le monde sait que les bateaux sont fragiles. Il faut surtout éviter les collisions. Ça peut arriver, mais ce n’est pas une inquiétude. 

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Etes-vous d’accord avec le vainqueur sortant Yannick Bestaven quand il dit que sans foils on ne peut pas gagner ?

C’est clair, c’est impossible !

Pourquoi ? 

Parce que ça rajoute 20 à 30 % de vitesse. 

Ça rajoute aussi un risque de casse car les foils sont fragiles… 

Ça reste quelque chose de possible. Nous, c’est un cas qu’on a hautement travaillé. Mais la rupture d’appendice est peu probable aujourd’hui vue la solidité qu’on a mis dedans. On a mis des amortisseurs en cas d’impact. Malgré tout, les périphériques autour du foil peuvent casser. Mais si on veut gagner le Vendée Globe, il n’y a pas d’autre choix que d’avoir des foils aujourd’hui. 

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En quoi votre bateau est-il à l’opposé de celui de Charlie Dalin ?

J’ai un bateau agréable. Très lumineux, très ouvert. On a repositionné le cockpit. On a repensé toute la vie à bord. On a un cockpit avancé qui nous permet de travailler au sec, d’avoir une zone de veille devant l’ordi qui soit dans la zone de manœuvre. Un bateau qui passe beaucoup mieux dans la mer. Il n’a pas certaines qualités des bateaux très planants type Macif, par contre, quand la mer se lève et que le vent est fort, ce sont des bateaux qui sont assez redoutables et qui sont plus agréables à vivre que certains bateaux très plats qui eux tapent fort dans la mer. 

Qu’allez-vous amener de particulier à bord ?

J’amène une liseuse pour lire des livres. C’est ce qu’il y a de plus pratique parce qu’avec l’humidité, les livres ne durent pas longtemps. J’écoute aussi beaucoup de podcasts. En réalité, toutes les journées entre la météo, les manœuvres, le repos, le bricolage, les obligations médias, on n’a pas toujours beaucoup de temps à consacrer aux loisirs.

Jean Le Cam n’est pas fan des qualifications, êtes-vous de son avis ?

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Moi j’adore le côté qualification puisque ça fait que la flotte a densément navigué pendant trois-quatre ans. Maintenant, on a des marins qui sont bien meilleurs qu’ils n’auraient été s’ils avaient juste débarqué sur le Vendée Globe. La compétition, elle est pour moi le moteur de cette course, pas l’aventure. L’aventure est annexe où elle l’a été à une époque, mais je n’y crois même pas parce qu’on a toujours célébré le vainqueur.

Aujourd’hui, l’important, c’est de gagner, pas de participer !

C’est une course, l’intérêt, c’est de la gagner !

Pour d’autres, comme pour l’Everest, l’important, c’est d’aller au bout…

Ça a de l’importance puisque sur ces machines-là, aujourd’hui, arriver à faire un tour du monde en solitaire alors que ce sont des prototypes volants hyper technologiques, c’est un challenge en soi d’arriver à les mener jusqu’au bout. En soi, c’est une petite victoire personnelle de finir un Vendée Globe, de finir un tour du monde en solitaire, mais on vise surtout un résultat sportif.

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Le record (74 jours, 3 heures, 35 minutes et 46 secondes en 2016/2017, Ndlr), vous pensez qu’on peut l’abaisser à combien de jours ?

Le record est dur à battre parce qu’Armel Le Cléac’h a 5 des 6 temps de passage. L’abaisser d’un ou deux jours, ça peut être possible. Jusqu’à 4 jours, – 70 jours au final -, dans un scénario exceptionnel. Les temps théoriques sont beaucoup plus bas que ça, mais probablement inatteignables sauf en cas de scénario absolument exceptionnel. 



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