Les pères de Romain Ntamack et Damian Penaud seront les premiers supporteurs de leurs fils à la coupe du monde. Si Alain Penaud (32 sélections) n’a pas joué de coupe du monde, Emile Ntamack (46 sélections) en a lui joué deux (1995 et 1999) avec même une finale en 1999. Entretien pour Rugby Magazine et Le Quotidien du Sport.
Comment jugez-vous l’évolution de votre fils ?
Emile Ntamack : « C’est énormément de fierté. Il y a beaucoup de plaisir à voir les enfants, et en particulier Romain, évoluer ainsi, dans sa pratique du rugby ».
Alain Penaud : « On voit que le temps passe vite (rires), après déjà ses neuf années passées à Clermont. C’était comme si c’était hier. Je regarde son évolution avec recul. Je suis toujours aussi stupéfait de voir la quantité de travail fourni. On a toujours cette sensation qu’il y a cette volonté permanente que tout soit nickel ».
Etes-vous surpris de le voir performer à ce point ?
E.N. : « Plus que de la surprise, je suis admiratif de constater qu’il est capable d’enchaîner les performances de haut niveau, et ce de manière très régulière ».
A.P. : « Ce n’est pas surprenant quand on a vécu à ses côtés et constaté la masse de travail qui a été fournie. Le talent seul est rarement récompensé s’il n’y a pas un gros travail derrière. Son évolution s’est faite étape par étape. Damian est arrivé à l’ASM, il a été pris en main par Azéma, Sadourny, Rougerie, placé sous leurs ailes. Il les a écoutés. Parfois il a dû souffrir aussi. Mais aujourd’hui il a acquis tout ce qu’un sportif de haut niveau doit acquérir pour évoluer au niveau qui est le sien ».
Avec une Coupe du monde qui approche, comment appréhende-t-il l’événement ?
Et avec votre passé de joueur international, ressentez-vous de l’appréhension ou de l’excitation pour votre fils ?
E.N. : « Il y a tout ce que cela représente de recevoir une telle épreuve en France et supportée par tout un peuple. Il faudra y consacrer toute l’énergie nécessaire ».
A.P. : « Je ressens beaucoup d’excitation pour lui, mais on en parle assez peu ensemble. C’est son univers. Il faut qu’il se construise dans cette aventure-là. Aujourd’hui, il est dans une phase de récupération. Damian a besoin de souffler un peu tant physiquement que moralement. Il aura le temps de se remettre dans le bain. Il s’inscrit dans une génération de gosses très insouciants. Ils connaissent leurs forces. Les deux ne se posent pas de questions. Ils sont là pour avancer. Damian et Emile ont un objectif commun. Ils sont prêts à bosser pour aller le chercher ».
« C’est son aventure, pas la mienne » (Penaud)
Quel conseil lui donneriez-vous ?
E.N. : « Il a déjà vécu une Coupe du monde au Japon. Cela fait quatre ans qu’il est international. Ce sont des échéances de haut niveau. Il se prépare pour avec ses copains. Il espère donner le meilleur et que ce soit suffisant pour décrocher enfin le titre. Après, c’est toujours la même chose, il faut prendre les matches les uns après les autres ».
A.P. : « La chose à laquelle je pense est que tant qu’il prendra du plaisir il aura toujours à cœur de progresser et de travailler. Le plaisir doit rester au centre. Pour le reste, je me refuse de lui donner quelque conseil que ce soit. Mais le plaisir voilà, c’est ce qui permet de se sublimer ».
« Il faudra prendre les matches les uns après les autres » (Ntamack)
En quoi votre fils a-t-il le plus évolué depuis un an ?
E.N. : « Il progresse. Il gagne en confiance à chaque sortie. Depuis qu’il a commencé à jouer en équipe première, il avance. Il renforce son savoir. Ses expériences de jeu nourrissent le joueur qu’il est. Cela le complète ».
A.P. : « Il est difficile de juger sur un an. La progression se mesure sur les années. Après, sur un an, c’est de l’expérience de gagnée, des réflexes mieux adaptés, une capacité à s’adapter et à se situer encore mieux. Mais ses capacités d’adaptation, celles de faire jouer, il les avait déjà avant. On dit toujours qu’il faut travailler ses points faibles, mais continuer à travailler ses points forts est souvent plus rémunérateur que de se focaliser sur ses points faibles. Damian progresse encore sur ses points forts et c’est tant mieux ».
Quelle est sa plus grande force ?
E.N. : « C’est un joueur très complet à tous les niveaux. Son plus gros atout est d’être capable de jouer à différents niveaux. Il sait s’adapter en permanence. Il a le bagage technique qui le lui permet. »
A.P. : « Son imprévisibilité est beaucoup liée à sa capacité d’adaptation en allant chercher tous les registres possibles. Il est capable de faire jouer les autres, il peut retenir sa course pour l’accélérer derrière, pousser une passe et surtout faire le choix qu’il faut entre faire jouer et jouer. Sa force, qui peut paraître paradoxale pour un ailier, est de se mettre dans la position de pouvoir refaire jouer derrière lui, ou de pouvoir jouer avec les autres, et ce avant de se dire qu’il est le dernier maillon de la chaîne et que c’est à lui de prendre le jeu totalement à son compte et de manière univoque. J’ai une petite faiblesse pour ce type de comportement ».
Etes-vous confiant pour la Coupe du monde qui arrive ?
E.N. : « On a une belle équipe de France. Elle va défendre ses chances. Nous avons confiance en elle. Elle a ce qu’il faut pour faire tourner le destin en sa faveur. J’espère qu’on aura ce petit coup de pouce que d’autres équipes ont eu, que ce soit la Nouvelle-Zélande en 2011 ou d’autres nations qui ont reçu et gagné la Coupe du monde. J’espère que cela nous sourira cette année ».
A.P. : « Cette Coupe du monde arrive à un bon moment. Je ne parle pas que sportivement. Dans notre pays, on a connu pas mal de choses difficiles ces derniers temps. Il y a eu de la contestation. La France est un peu fracturée de partout. On a la chance d’avoir une compétition qui va permettre probablement de resserrer un peu les liens. C’est une énorme chance, une opportunité et un bonheur que vont pouvoir vivre tous ces joueurs et cette équipe-là dans ce contexte-là. Je suis confiant que c’est plus qu’une équipe compétitive. Elle a de l’ambition. Ce sont des compétiteurs affirmés. Il n’y a aucun doute qu’ils seront à 100% pour vivre cet événement. Quoi qu’il arrive, ils nous donneront beaucoup de plaisir ».