Triple médaillée d’or olympique (en 1996 et 2000 en vitesse et en 2000 sur 500 mètres), la Française Félicia Ballanger a écrasé sa discipline. Confession d’une championne discrète, aujourd’hui chargée de mission sport auprès du haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie, qui appartient au panthéon du sport français.
Qu’aviez-vous appris de vos premiers JO de 1992 à Barcelone ?
J’étais jeune, j’avais 21 ans. Cela a été un échec pour moi (4ème, Ndlr). Il a fallu en tirer pas mal de leçons. Cependant, cela a marqué aussi le début d’un travail encore plus poussé vers la performance. Et beaucoup de remises en question pour corriger ce qui n’allait pas. Avec le recul, cette expérience a été un mal nécessaire pour aller plus loin et pour atteindre la plus haute marche du podium.
En 1993, vous subissez également des blessures assez sérieuses. Etiez-vous alors loin de penser que des titres olympiques allaient suivre ?
Quand on évoque ces années entre 1991 et 1994, je n’étais pas encore dans la maîtrise totale de ma discipline. J’avais encore besoin d’apprendre beaucoup de choses. Je subissais des contre-performances. Les blessures s’ajoutaient. Cela arrive assez normalement dans une carrière de sportif. On a tous ce point commun où on perd une ou deux saisons à cause des blessures. Mais elles permettent aussi de se recentrer sur l’essentiel. On réfléchit alors aux raisons de ces blessures. On se promet de se remettre au travail encore plus dur pour revenir plus fort. Ce sont des moments difficiles qui sont souvent déclencheurs de nouvelles attitudes et engagements.
Comment êtes-vous devenue ensuite invincible sur la piste entre 1995 et 2000 ?
Je ne crois pas que j’étais invincible. J’ai juste travaillé pour atteindre mon objectif qui était de devenir la meilleure. Quand j’ai réussi à atteindre cela, je ne m’en suis pas contentée. J’ai toujours cherché à m’améliorer malgré le fait que j’étais sur la plus haute marche. Il a vraiment fallu que je m’accroche pour passer les premières années difficiles. Quand j’ai commencé à m’imposer, je voulais gagner au moins autant de temps que ce que j’avais subi dans l’échec.
Pourtant, le relâchement aurait pu être de mise.
Effectivement. Mais je m’étais vraiment employée à ce que cela n’arrive pas. J’avais tellement souffert de ces contre-performances que cela m’a poussée à ne plus me relâcher jusqu’à la fin de ma carrière. La grande différence est qu’en début de carrière j’étais davantage centrée sur l’obtention d’un résultat. Sur la fin, pour réussir, j’ai davantage basculé sur l’obtention d’une performance. Du coup, le résultat devient secondaire par rapport à la performance.
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« Je n’étais pas invincible »
De vos trois médailles d’or olympiques de vitesse en 1996 et 2000 et celle sur 500 mètres de laquelle êtes-vous la plus fière ?
Celle d’Atlanta, c’était un peu la confirmation du premier titre mondial obtenu en 1995. Cette médaille a été évidemment très importante. Elle traduisait aussi et surtout la revanche de Barcelone. Les deux autres sur Sydney marquaient la fin de ma carrière. Il ne fallait pas rater sa sortie. De conserver le titre en vitesse était forcément un moment très fort. Quant au titre sur 500 mètres, c’est une discipline dans laquelle je n’avais jamais été battue. Cela aurait constitué une grosse déception si je n’avais pas obtenu cette médaille.
Vous avez aussi accumulé dix couronnes mondiales. Vos titres olympiques ont-ils eu une saveur encore plus particulière ?
C’est une saveur différente. Le fait que les Jeux soient plus rares induit qu’il y a un enjeu supplémentaire. Les sportifs se préparent pendant quatre ans pour figurer dans l’équipe de France olympique et pour y performer. Mais, sportivement, un titre mondial c’est aussi difficile à obtenir. Il y a plus de concurrents au départ et moins de quotas aux Jeux Olympiques. Un titre mondial au niveau performance, ce n’est pas en-dessous d’un titre olympique. Sauf que cela revient plus souvent. Si on se rate une année, c’est moins grave que si on se manque sur des Jeux Olympiques.
Que vous apportait Daniel Morelon au quotidien dans votre progression sportive ?
Toute son expérience de sportif et d’entraîneur. Il m’apportait cette rigueur dans le travail, avec ces périodes de remises en question permanentes. On a le droit au coaching dans la discipline de la vitesse. Il était un fin tacticien qui était une ressource importante pour moi.
Que souhaitez-vous qu’on garde comme image de vous ?
Celle de la persévérance, du travail. C’est bien déjà (sourire). Surtout le fait de se dire que c’est réalisable et accessible. Quand on est jeune, on se dit que les Jeux Olympiques c’est inaccessible, mais en fait si. Après, évidemment, c’est le fruit de beaucoup d’engagement et de travail. Mais c’est un rêve qu’on peut réaliser.
Félicia Ballanger détient un record avec Marie-Jo Pérec
Quels conseils pourriez-vous donner aux jeunes qui veulent se mettre à votre discipline ?
D’y croire et de s’engager à fond. C’est une belle aventure à vivre les Jeux Olympiques (sourire). Cela ne revient pas tant de fois que cela dans la vie. Une fois que la carrière est terminée, ce sont des émotions qu’on ne retrouve pas ailleurs dans la vie normale.
Quelles sont nos chances de médailles en vitesse féminine pour Paris 2024 ?
Il y a notamment Mathilde Gros. Elle a été championne du monde en 2022. Elle a prouvé qu’elle était capable d’être la meilleure au niveau mondial. Mathilde a un gros défi à relever en réussissant ces Jeux à Paris.
Ce ne doit pas être facile de passer après vous…
Je ne pense pas que ce soit un frein pour réussir que d’avoir des exemples. Le cyclisme sur piste fait partie de ces disciplines qui accumule des générations de champions. Ce n’est pas parce que certains ont gagné à un moment que d’autres ne peuvent pas le reproduire. Au contraire, cela prouve qu’il y a une culture au sein de la discipline qui permet d’être fort. Il y a une culture de la gagne. Parfois, il y a aussi des périodes un peu plus creuses, mais je ne crois pas que cela soit le cas du cyclisme. Il y a des sportifs de valeur notamment sur la piste. Après, il faut qu’ils soient mis dans les meilleures conditions et qu’eux s’engagent à 150% pour réussir.
Le saviez-vous ?
Félicia Ballanger avec Marie-José Pérec, demeurent les deux seules sportives françaises, à avoir été triples championnes olympiques.