samedi 12 octobre 2024

J.O. 1988 : Pierre Durand raconte la conquête de son titre

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Quatre ans après avoir échoué à Los Angeles, Pierre Durand réalise son rêve ultime à Séoul en 1988 en devenant champion olympique de saut d’obstacles.

Vous avez déclaré que le titre olympique était pour vous une obsession. Ne vous êtes-vous pas mis une pression excessive, notamment à Los Angeles ?

C’est vrai, j’ai avoué plus tard que ce titre olympique était une obsession. Je me suis mis la pression oui. Je n’avais pas bien assuré à Los Angeles quatre ans avant (il avait terminé 12ème, Ndlr), je ne pouvais pas me louper une deuxième fois à Séoul.

J’ai su cette fois-ci me canaliser, gérer mes émotions. J’avais plus de responsabilités à Séoul, plus de pression, mais j’ai réussi à sortir la bonne performance au moment où il le fallait.

Qu’avez-vous modifié en quatre ans ?

Après Los Angeles, j’ai revu tout mon logiciel de préparation, la façon de me comporter avec mon cheval. Je me suis totalement remis en cause.

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Pierre Durand confiant grâce la médaille de bronze

Comment avez-vous abordé le concours de Séoul ?

Je faisais partie des favoris avec trois, quatre autres cavaliers. Je suis arrivé à Séoul en pleine confiance. J’avais décroché le titre européen un an avant. J’avais des certitudes en mes capacités de réaliser mon rêve d’adolescent. La médaille de bronze aux championnats du monde deux ans avant m’avait également mis en confiance.

La médaille de bronze par équipes olympique décrochée quelques jours plus tôt m’a aussi fait du bien, j’avais soldé la sorte de dette que j’avais envers mes coéquipiers par rapport à mon échec par équipes quatre ans avant quand je m’étais élancé en dernier, il fallait que je fasse un sans-faute et je ne l’ai pas assuré.

A quel moment avez-vous pensé que vous seriez champion olympique ?

Il y avait une énorme attente lors du passage du dernier cavalier. Juste avant, j’avais fait un parcours sans faute et, au fond de moi, j’avais la conviction que le titre ne pouvait pas m’échapper. Je pensais que le cavalier allemand irait à la faute plus tôt, mais il passait les obstacles les uns après les autres, je commençais à douter puis ce fut la libération quand il a heurté l’avant-dernier obstacle. En plus, on concourrait dans le stade Olympique qui est le cœur des JO. Je suis très attaché aux valeurs que dégage l’olympisme.

Ce titre avait donc une valeur encore plus importante. En plus, les chevaux n’avaient pas concouru sur cette piste. Ils n’avaient pas pu s’acclimater, s’ôter le stress car il n’y avait pas eu d’épreuves préalables sur cette piste plus gigantesque que celles sur lesquelles ils concourent habituellement. C’est d’ailleurs la seule fois que la compétition d’équitation a été organisée dans le stade olympique.

Quelle a été votre réaction quand vous avez été déclaré officiellement champion olympique ?

Je n’ai pas trop réalisé sur le coup, je me suis heurté au tourbillon d’euphorie ambiant. Les émotions étaient très fortes, mais il fallait que je redescende pour répondre aux médias. Il fallait bien verbaliser ce que je ressentais, ne pas répondre sous le coup de l’émotion, ce n’était pas évident. C’est le lendemain au réveil que j’ai vraiment réalisé que j’avais réalisé mon rêve d’adolescent.

Comment avez-vous géré l’après-titre ?

Après ce titre, rien n’a plus été pareil. La suite a été compliquée en termes de décompression. Jusqu’au 31 décembre j’ai eu énormément de sollicitations, je n’ai pas passé une soirée chez moi. Comme on était que cinq champions olympiques, l’intérêt médiatique était important sur nous. C’est perturbant, on doit sortir de notre vie bien réglée, bien organisée. Ensuite, la trêve hivernale m’a fait un bien fou, elle m’a permis de couper.

« Après Los Angeles, j’ai revu tout mon logiciel de préparation »

Votre particularité est que vous aviez un cheval très célèbre également…

Oui Jappeloup est bien plus populaire que moi. J’ai vécu avec lui au quotidien pendant huit ans, de ses 5 ans, ce qui est très jeune pour un cheval, à ses 13 ans. Notre complicité s’est construite progressivement et on est devenu fusionnel. Narcotique était sur la fin de sa carrière contrairement à Jappeloup.

Quand je l’ai récupérée, elle avait déjà un passé sportif et il est compliqué d’établir ses propres codes avec un cheval qui en avait d’autres avec son précédent cavalier. En plus, ils avaient une morphologie différente, Jappeloup était petit, Narcotique, grande. L’entente n’était pas la même, pas aussi fusionnelle. J’ai eu le bonheur de gagner de très belles épreuves. J’ai été content de terminer ma carrière sur un titre par équipes. Ce n’est pas du tout pareil, le bonheur est partagé, un titre individuel est vécu de manière plus égoïste.

La jeune génération connait-elle votre carrière ?

A mon grand étonnement, je suis connu des plus jeunes, c’est principalement grâce au film Jappeloup sorti il y a dix ans. Ils se sont intéressés à cette histoire, à nos parcours de l’époque. Les séances de dédicaces de mon livre ont eu un incroyable succès avec des gamins de 10 ans qui me posaient des questions, c’était très intéressant.

Qui est votre favori pour le titre olympique à Paris ?

Il est compliqué de donner un vainqueur, l’équitation est un sport compliqué. Des couples se dégagent comme Henrik von Eckermann qui est le grand favori et numéro 1 mondial. Le Champion d’Europe suisse Steve Guerdat a déjà été champion olympique à Londres en 2012 et il est sur une bonne dynamique. Côté Français, il y a Julien Epaillard. Il y a plus de concurrence qu’à mon époque et d’autres cavaliers peuvent sortir du chapeau, ce sera un concours très ouvert.

Le saviez-vous ?

Pierre Durand va participer aux JO de Paris, en tant que volontaire. Il sera sur le site de Versailles, il gérera la logistique avec les cavaliers.

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