lundi 4 novembre 2024

Patrick Montel : « Je n’ai jamais autant travaillé que depuis que je ne travaille plus »

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Commentateur de l’athlétisme pendant 35 ans, la voix de Patrick Montel était entrée dans les salons français. Elle résonne désormais sur Instagram et Facebook, à travers son propre média, Radio Montel. Pour autant, Patrick Montel n’a qu’un souhait : retrouver un micro à 71 ans pour les Jeux. En attendant, il commentera des disciplines olympiques réalisées par des candidats de télé-réalité dans “Les apprentis champions” à partir du 27 mai (19h50) sur W9.

Vous avez été débarqué de France Télévisions en 2020. Si vous n’aviez pas tenu ces propos sur le dopage, pensez-vous que vous y seriez encore ?

Pour moi, cela n’a rien à voir. Les propos que j’ai tenus correspondent juste à la réalité des choses. J’ai juste fait mon boulot de journaliste. Si j’ai été remercié par France Télévisions, c’est parce que j’ai dépassé la limite de péremption (sic). En France, à partir du moment où vous avez un certain âge, on considère qu’il faut laisser la place aux autres. Mettre les gens à la retraite quand ils ont envie de bosser, c’est un problème qui me dépasse. Aujourd’hui, je suis passé à autre chose, j’ai rebondi et je n’ai jamais autant travaillé que depuis que je ne travaille plus (sic).

Que faites-vous ?

J’ai créé un média qui s’appelle Radio Montel et qui, aujourd’hui sur les réseaux sociaux, mobilise plus de 400 000 personnes donc c’est une vraie réussite. C’est un média qui s’intéresse à Monsieur et Madame Tout le monde, qui pratiquent du sport de longue durée comme des trails, marathons ou triathlons, et à qui on ne donne jamais la parole. Moi, je la leur donne !

Aimeriez-vous reprendre un micro ?

Je suis content de mon rebond, mais je ne vais pas mentir, si j’avais l’occasion de commenter les Jeux comme j’ai fait les 12 premiers, je serais très heureux. Maintenant, dans la vie, il y a des équilibres à trouver, j’ai bien rebondi et c’est sûr que je ne vais plus me retrouver dans la position de celui qui commente le 100 mètres comme je les ai commentés depuis plus de 35 ans.

Vous n’avez pas été le seul à avoir été poussé vers la sortie. Pierre Salviac l’a été également, que pensez-vous de ces choix ?

Ça passe très vite quand tu aimes ton métier. Et un jour, tu es mis à la retraite. Mais tous les gens qui disent Vivement la retraite sont des gens qui ont souffert au travail et qui sont libérés quand ils sont retraités. Moi, c’est le contraire. Je n’ai jamais eu l’impression de travailler donc à partir de ce moment-là, tu ne comprends pas la notion de retraite.

« 50 000 personnes ont signé une pétition pour que je revienne »

A 71 ans, vous pourriez laisser la main et profiter de la vie, pourquoi continuer ?

Sauf que j’ai 29 ans ! Ma vie s’est arrêtée à 29 ans et depuis je n’ai plus vieilli (sourire). Les gens ne me croient pas, mais je n’ai pas 71 ans et je ne les aurai jamais. Puis ça ne veut rien dire 71 ans, c’est la passion qui est importante, et la compétence ! On juge quelqu’un sur sa compétence, sur ce qu’il t’apporte, les idées qu’il développe, mais jamais sur son âge, la couleur de peau, la religion ou je ne sais quoi. Si je suis mauvais, c’est normal que je passe la main, mais ce n’est pas parce que tu as un certain âge que tu dois passer la main. Je ne suis pas fini, les gens sont toujours contents de me voir. D’ailleurs, il y a eu une pétition de 50 000 personnes qui ont voulu que je revienne. Donc si j’étais vraiment nul, je ne pense pas que tant de gens auraient signé. Quand on écoute une musique, on ne se demande pas quel âge a le chanteur et on s’en fout de savoir quel âge Mozart avait quand il a composé !

Que pensez-vous de vos successeurs au micro ?

Ils sont excellents. Je n’ai rien ni contre mes successeurs, ni contre mes prédécesseurs. Le sport m’a appris que, mon seul adversaire, c’est moi. Ce ne sont pas les autres. Les autres font leur carrière et c’est très bien. Bien sûr, j’en préfère à d’autres. Mais, globalement, je les trouve très compétents dans leur style. Un style qui n’est pas nécessairement le mien, mais je ne détiens pas la palme du meilleur style. Je pense très honnêtement que j’avais encore de quoi faire et je le pense si fort que je le prouve tous les jours. 

« C’est plus difficile d’avoir des médailles en athlétisme qu’en judo, escrime ou cyclisme sur piste »

Avec une seule médaille à Tokyo en 2021, une seule aux Mondiaux d’Eugene en 2022 puis de Budapest en 2023, les Bleus ne font pas recette. Que peut-on espérer pour l’athlétisme français aux Jeux de Paris ?

Est-ce que ce qui fait rêver, ce sont les médailles ? Rêver avec des médailles, c’est triste. Moi ce n’est pas ça qui me fait rêver. Ce qui me fait rêver, ce sont les belles histoires et, en athlétisme, comme dans tous les sports, il y en a des très belles. Par rapport aux résultats athlétiques purs, l’athlétisme est un sport universel, c’est-à-dire que le monde entier pratique l’athlétisme. Et à partir de ce moment-là, c’est plus difficile d’avoir des médailles que dans une discipline comme le judo, l’escrime ou le cyclisme sur piste, qui sont nos principaux pourvoyeurs de médailles, et qui ne s’adressent pas au monde entier. Je ne critique pas ces sports, mais à partir du moment où un sport est moins universel, c’est plus facile d’obtenir une médaille, simplement parce qu’il y a moins de concurrents au départ.

Jean Galfione a estimé : « Si on fait une, deux ou trois médailles en athlétisme, on sera à notre place ». Etes-vous d’accord ?

Complètement, c’est la réalité. Par exemple, en natation, il n’y a pas de contact, tu glisses sur l’eau donc tu peux, si le programme te le permet, participer à 7-8 épreuves. En athlétisme, tu ne peux pas. Parce que tu es cassé, ça n’a rien à voir. Donc il y a aussi des disciplines où c’est plus facile de faire plusieurs épreuves et donc de rapporter plusieurs médailles. En athlétisme, ce n’est pas possible.

Qui pourrait remporter ces médailles ?

Il y a des potentialités. Je vois bien Yanis Meziane gagner quelque chose sur 800 mètres. Pas la médaille d’or, mais sur le podium. Après, j’aimerais bien que le 4×400 m soit sur le podium aussi, car c’est un peu la santé de l’athlétisme. On peut aussi toujours glaner une médaille de bronze dans une épreuve comme le 110 m haies. Mais, globalement, ce sera dur d’avoir de l’or. Je ne vois pas d’or du tout. Peut-être une médaille d’argent, mais mon pronostic serait plus sur deux médailles de bronze.

On parle beaucoup de Kevin Mayer (décathlon). Malheureusement, il enchaîne les blessures, pourra-t-on compter sur lui aux Jeux ?

Déjà, il n’est pas encore qualifié ! D’une part, le problème, c’est que c’est du décathlon. Ce sont les 10 travaux d’Hercule enchaînés, une discipline à haut risque. Et d’autre part, j’ai peur que, pour Kevin Mayer, les Jeux arrivent un peu trop tard, ce qui n’est pas de chance parce que c’est un athlète extraordinaire. Je ne dirais pas qu’il est sur le déclin, mais aujourd’hui la concurrence est féroce. Il y a des gamins qui arrivent et qui sont très performants et on sait que le corps se fatigue. Avec un corps de 24-25 ans, c’est plus facile qu’avec un corps de 32 ans. Je lui souhaite beaucoup de réussite, mais ça me semble compliqué.

La relève de l’athlétisme français semble tarder à se dessiner, pensez-vous qu’elle va arriver ?

La France a sa place dans le concert athlétique mondial. Une place modeste, mais parce qu’il y a beaucoup de pays. Le gâteau est divisé en énormément de parts et, par conséquent, les parts sont très petites. En dehors des Etats-Unis qui dominent pour des raisons culturelles évidentes, les autres se partagent le reste du gâteau. Alors la relève, je ne sais pas. Des Marie-José Pérec, il y en a une par siècle, donc si c’est ça la relève, il faudra attendre un peu. Mais on a des jeunes qui sont prometteurs. Gémina Joseph a par exemple fait un très bon chrono sur 100 m avec 11’04. C’est un très bon temps, mais avec 11’04 tu n’es pas en finale des Jeux.

Le fait d’être à domicile peut-il pousser les Français(e)s à aller puiser de l’énergie pour décrocher des médailles ?

Incontestablement. La dernière fois que ça s’est passé, c’était en 2003 aux championnats du monde à Paris, et il y a eu effectivement un phénomène d’enchaînement, de transmission d’énergie de la part d’un public qui était magnifique et qui a permis, sur le samedi, d’enchaîner deux médailles d’or. Après, les conditions à l’époque étaient plus propices à l’équipe de France qu’aujourd’hui. Il y aura un effet, c’est certain, mais de là à aller chercher une médaille d’or, honnêtement, je ne vois pas qui peut le faire.

« Mélina Robert-Michon mérite d’être porte-drapeau »

Si vous deviez choisir le ou la porte-drapeau français(e) parmi les athlètes, qui choisiriez-vous ?

Il n’y a même pas à discuter. C’est Mélina Robert-Michon. Sixièmes Jeux Olympiques, une femme exceptionnelle mentalement et sportivement. Elle est en plus maman de deux enfants. C’est incroyable ! Elle évolue dans une discipline qui est complètement marginalisée et qui est une discipline magnifique parce que le rapport à l’Antiquité passe par le lancer du disque. Tout est réuni pour qu’elle soit porte-drapeau de l’équipe de France. Autrement, ce sera un oubli fâcheux.

« La France doit devenir un vrai pays de sport »

Ces Jeux sont énormément critiqués. Dans l’ensemble, comment les sentez-vous ?

J’ai fait des sondages sur le Facebook et le Instagram de Radio Montel. Et, sur 2000 réponses, à chaque fois il en ressort une vraie impatience avant les Jeux. Je pense que le JO bashing est très exagéré et que, en dehors des questions de sécurité, en ce qui concerne l’événement lui-même, il y a une vraie attente du public sportif français et que ça sera une superbe fête. Mais ce qui m’intéresse, ce n’est pas qu’il y ait une superbe fête, mais plutôt un super héritage, et là-encore je n’en suis pas certain.

Quel est cet héritage positif que vous espéreriez ?

Ce que j’espère, c’est que par exemple le taux d’obésité des ados baisse, que la demi-heure de sport par jour ne sera pas une vaine promesse, que les gens vont moins prendre leur 4×4 SUV pour amener leurs gosses à l’école, que les personnes en situation de handicap vont pouvoir prendre le métro un jour, qu’un aveugle qui sera avec son chien dans un bus ne sera plus insulté. C’est cet héritage que j’espère, qu’on ait un autre regard et qu’on devienne enfin, comme l’Allemagne et l’Angleterre, un vrai pays de sport, et non pas un pays de cocorico.

Propos recueillis par Marine Pattyn

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