Les champions olympiques français de lutte sont rares. Depuis Henri Deglane, seul Steeve Guénot a réussi l’exploit de se hisser sur la plus haute marche olympique à Pékin en 2008.
Dans quel état d’esprit êtes-vous arrivé à Pékin ?
J’étais vice-champion du monde l’année précédente. J’étais jeune, j’avais 23 ans et donc insouciant. J’étais en mode j’y vais pour gagner. Les Jeux ne sont pas plus durs que les championnats du monde. Comme j’avais été vice-champion du monde l’année d’avant et que l’on retrouvait les mêmes compétiteurs, je me suis dit que je devais faire au moins aussi bien. Ma jeunesse m’a beaucoup aidé car je n’ai pas ressenti trop de pression, je n’étais pas stressé.
J’étais heureux de participer à un tel évènement planétaire. En plus, je n’étais pas trop attendu donc j’ai pu bien gérer la compétition. Mais je suis sûr que si on refait la compétition je ne la gagne pas, j’étais très bien au bon moment. En attendant la finale qui se déroulait le soir, je suis rentré au village en me disant que j’avais une médaille d’assurée. C’était déjà une belle satisfaction pour moi, mais j’en voulais encore plus. J’ai combattu comme je l’avais fait tout au long du tournoi, ça m’avait bien réussi.
Steve Guénot a vécu le plus beau moment de sa vie
Quel souvenir gardez-vous de ce titre olympique ?
L’attente était longue car la finale était le soir. Mais ça valait le coup. J’ai vécu le plus beau jour de ma vie. Je me souviens que mes parents étaient en tribunes, mon frère aussi était avec moi. Il combattait aussi et il a décroché la médaille de bronze après mon combat.
Beaucoup d’athlètes français étaient dans les tribunes pour me soutenir, l’ambiance était sympa, la lutte est un sport plutôt confidentiel on n’était pas habitués à concourir devant autant de personnes.
Vous étiez très proche de votre frère. Comment avez-vous vécu sa médaille ?
J’ai suivi son combat devant un écran. J’aurais aimé être en tribunes, mais j’avais des obligations médiatiques, les journalistes me demandaient de venir en salle de presse pour répondre à leurs questions et moi j’essayais de suivre mon frère.
Quand il a gagné la médaille, j’étais aussi content que pour la mienne. Sans mon frère, je n’aurais pas fait tout ça. J’ai toujours suivi son exemple. J’ai toujours voulu faire comme lui. On habitait ensemble, on s’entraînait ensemble, on faisait tout ensemble. Il était toujours derrière moi pour m’encourager.
À LIRE AUSSI : toute l’actualité de vos sports dans vos mags
« Je suis sûr que si on refait la compétition, je ne la gagne pas »
Quel a été le combat le plus compliqué ?
Ils l’ont tous été. Vous savez, les qualifications pour les JO sont très difficiles avec seulement 16 qualifiés. Seuls les meilleurs passent donc dès les premiers combats vous rencontrez des lutteurs très forts. Le niveau est très élevé. Ma demi-finale face au Kazakh Darkhan Bayakhmetov, l’un des favoris, a été marquante bien sûr, mais tous les combats ont été âpres, mon premier match contre un Cubain était aussi compliqué.
La finale aussi contre Kanatbek Begaliev, mais le plus dur c’était au 2ème tour contre le Hongrois Loerincz. Je gagne à l’arraché après une décision arbitrale sur la fin. Il y a eu une erreur, les arbitres sont revenus sur leur décision et j’ai pu gagner, j’ai vraiment cru que j’allais perdre.
Comment avez-vous vécu l’après-finale ?
Il y avait beaucoup d’effervescence car c’était la première médaille d’or de la délégation française, j’avais même eu Nicolas Sarkozy au téléphone, c’était un peu irréel. Mais je ne me rendais pas compte de l’impact qu’avait ce titre. C’est en rentrant en France que j’ai réalisé, il y avait beaucoup de demandes d’interviews, pleins d’invitations, c’était assez déstabilisant.
Quelle a été la suite pour vous ?
En 2010, j’ai décroché la médaille de bronze aux Championnats d’Europe. J’ai participé aux JO de Londres, j’ai fait une médaille de bronze. J’étais content car des trois premiers de Pékin j’étais le seul à avoir fait une médaille quatre ans plus tard. J’ai arrêté deux ans après à peu près. Je suis devenu entraîneur et aujourd’hui j’exerce au CREPS de Dijon auprès des sélections juniors.
Quelles sont les chances de médailles à Paris selon vous ?
Koumba Larroque est la seule qualifiée pour l’instant. Elle combat très bien, elle a été championne d’Europe, elle a le potentiel pour faire une médaille.
Le saviez-vous ?
Steeve Guénot s’est astreint toute sa carrière à des régimes draconiens car il ne voulait pas concourir contre son frère en 74 kg. A partir des JO de Londres, son frère ayant pris sa retraite, il est monté en 74 kg, une catégorie plus proche de son poids.