Que ce soit comme coureur ou entraîneur, Daniel Morelon a dédié sa vie au cyclisme sur piste. De ses premiers titres au début des années 60 à sa retraite à la fin des années 70, le natif de Bourg-en-Bresse a collectionné les médailles au point de devenir le premier pistard à conserver son titre olympique de vitesse en 1968 et 1972. Un champion hors norme qui a su transmettre sa passion avec la même envie.
Que gardez-vous de vos exploits aux Jeux Olympiques ?
Je me rappelle de tout. Aussi bien de Mexico (1968) que Munich (1972). Même de Montréal (1976) où j’ai fait 2ème. Je n’ai rien oublié.
Auparavant, il y avait aussi le bronze à Tokyo en 1964. Etait-ce le déclencheur de votre ambition d’or olympique ?
On repartait à zéro après chaque épreuve. Après Tokyo, on avait vécu une déception avec mon ami Pierre Trentin. On était repartis des championnats du monde de Paris avec la médaille d’argent et, quelques mois après, on fait 3ème et 4ème. On était un peu déçus. Il y avait des décisions pas simples à accepter. Nous avions 20 ans. On était facilement désarçonné au regard des émotions. On n’était pas préparé à rencontrer des problèmes.
Etait-ce une occasion de manquer sans savoir ce que l’avenir allait vous réserver ?
On pensait déjà à la victoire. Les championnats du monde nous permettaient de valider des acquis. Le grand départ de ma carrière personnelle reste 1966 et les Mondiaux de Francfort avec les deux titres de champion du monde.
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Daniel Morelon, champion du monde avant de l’être aux JO
Etait-ce le déclic attendu ?
Ça confirmait toutes les courses que j’avais gagnées et toutes celles qui n’étaient pas validées par la victoire. C’était chose faite. J’ai gagné en 1966 à Francfort, puis en 1967 à Amsterdam, puis les Jeux de Mexico en 1968. Tout un enchaînement de premières places (pour 7 titres de champion du monde entre 1966 et 1975, Ndlr).
Que retenez-vous des JO de Mexico en 1968 avec l’altitude ?
Comme on n’avait pas de vélodrome en altitude en France, notre entraîneur a préféré nous faire partir trois semaines avant. Ça nous a servi. On était quand même favoris. J’avais été champion du monde à deux reprises. Il ne fallait pas se manquer le Jour J.
Il y avait une véritable équipe autour de vous.
Avec Pierre Trentin, Daniel Rebillard qui était venu comme remplaçant de Bernard Darmet. Il est devenu champion olympique à 20 ans. On remporte quatre titres sur cinq à Mexico.
Le titre olympique de Mexico était-ce une finalité ?
J’avais toujours envie d’être performant tant que j’étais en pleine forme. Les objectifs se succédaient avec les Mondiaux et les JO. Les années passaient vite avec aussi des Grands Prix internationaux. On avait hâte de courir et de se maintenir au plus haut niveau.
« Je voulais conserver mon titre olympique de Mexico »
Pourtant, à Munich, vous étiez l’homme à battre…
D’autant plus que j’avais fait une chute en tandem sur le vélodrome du Bois de Vincennes (La Cipale). On avait déjanté de deux boyaux dans le virage. J’étais complètement brûlé. Mon équipier, Gérard Quintyn, avait un traumatisme crânien et une omoplate cassée. En 1972, c’est ma meilleure année. Je gagne toutes mes courses. J’étais intouchable.
Mais, à la suite de cette chute, j’avais perdu mes moyens et la forme était déclinante. J’ai vraiment retrouvé tous les moyens quelques jours avant les Jeux. J’allais mieux. J’avais fait un test chronométré qui m’avait regonflé le moral. Je voulais conserver mon titre.
Un titre olympique a-t-il toujours la même saveur ?
C’est un peu pareil mais, renouveler son titre, quatre ans après le premier, c’est une émotion à part. Cela compte. Tout s’était bien passé pour moi depuis Mexico. J’étais toujours au rendez-vous. J’étais toujours là le Jour J. Sur le vélo, j’étais comme un poisson dans l’eau. Je n’avais pas de pression.
En devenant plus tard entraîneur, avez-vous essayé de transmettre cette sensation de plénitude à vos élèves comme Félicia Ballanger, Nathalie Even, Laurent Gané, Frédéric Magné, Mickaël Bourgain, Vincent Le Quellec, Florian Rousseau ou encore Arnaud Tournant ?
Ce n’est pas évident, mais on cherche cela au quotidien. Après, chacun est différent. On ne ressent pas forcément les mêmes choses. On n’a pas le même caractère. Il a fallu pas mal patienter pour qu’ils adoptent toutes les ficelles de la compétition.
Double champion olympique Français en tant que coach
Cela a bien marché tout de même comme entraîneur notamment aux Jeux Olympiques…
On peut le dire. Surtout à partir de 1995 avec les championnats du monde à Bogota. Ensuite, il y a eu Atlanta jusqu’à Sydney. On a rapporté pas mal médailles d’or avec mes élèves (30 médailles d’or au total aux JO et Mondiaux, Ndlr).
Est-ce aussi fort d’être champion olympique comme entraîneur ?
On a un peu les mêmes sensations. J’avais plus de trac à diriger mes coureurs que quand j’étais moi-même sur le vélo. J’avais toujours peur d’une erreur. J’étais moins sûr d’eux que je ne l’étais pour moi.
Etes-vous fier d’avoir duré autant de temps au plus haut niveau ?
J’ai eu beaucoup de réussite et de chance. Je suis passé à côté des problèmes de santé. Ce n’est pas évident de se maintenir au plus haut niveau. Il y a toujours des coureurs qui arrivent de nulle part. Il fallait faire attention à la concurrence. Mais j’étais serein.
Quelle image gardez-vous de votre carrière ?
En 1975, quand j’ai retrouvé mon titre mondial que j’avais perdu en 1974, j’ai eu des problèmes familiaux et la perte d’un enfant de 9 ans. C’était une grande émotion. Je voulais absolument remporter ce titre. Ça n’a pas été facile. Il a fallu s’accrocher.
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En quatre participations sur quatre différentes Olympiades, Daniel Morelon est toujours revenu médaillé dans l’épreuve de vitesse. Avec deux fois l’or en 1968 et 1972, une fois l’argent en 1976 et une fois le bronze en 1964. Quatre médailles individuelles et une dernière en or, en tandem, avec Pierre Trentin.