Entraîneur du Racing 92 depuis 2013 (il a entraîné le club en binôme avec Laurent Labit de 2013 à 2019) avec qui il a décroché le brennus en 2016, Laurent Travers (54 ans) succédera en fin de saison à Jacky Lorenzetti comme président du directoire du club, ce dernier restant président du conseil de surveillance. Entretien réalisé pour Rugby Magazine et Le Quotidien du Sport.
Depuis le Bouclier de 2016, le Racing est souvent placé, mais jamais gagnant que ce soit en Top 14 ou en Champions Cup. Etre le champion de la régularité, c’est bien, mais ne manque-t-il pas un titre pour concrétiser tout ça ?
Il ne faut pas oublier qu’il n’y a qu’un champion chaque année et tout le monde ne peut pas l’être. Depuis dix ans, c’est un club différent qui est sacré chaque année ! Si tout le monde était régulier, ce serait le même tous les ans. Toute la difficulté est là. En Coupe d’Europe, les derniers champions, ce sont Leinster, Saracens, Exeter, Toulouse, La Rochelle… Ça change également tous les ans. Si l’on regarde les huit dernières années, le Racing, c’est quatre finales, neuf demi-finales, quinze phases finales.
En termes de régularité en phases finales, on n’a rien à envier à qui que ce soit ! Ce n’est pas négligeable. Bien sûr qu’on perd trois finales européennes (en 2016, 2018 et 2020, Ndlr) et qu’on aimerait mettre une étoile sur le maillot mais, en termes de constance, c’est pas mal et depuis 2016 on fait tout pour décrocher ce deuxième titre.
Laurent Travers vise la Coupe d’Europe avec le Racing 92
Après avoir été champion avec Castres et le Racing, le titre européen est-il votre priorité ?
Le décrocher, ce serait extraordinaire, mais quand on voit notre poule avec le Leinster, finaliste de la dernière Champions Cup, et les Harlequins champions d’Angleterre en titre, deux des favoris pour le titre, il faut bien avoir conscience que c’est la poule de la mort ! Faisons déjà en sorte d’en sortir.
La présence de clubs sud-africains en Coupes d’Europe vous dérange-t-elle ?
Je ne suis ni pour ni contre. Des gens sont là pour décider. Nous, on s’occupe du terrain. Après, on peut plus appeler ça la Coupe d’Europe (sic). Mais ça va permettre d’avoir des confrontations de très haut niveau.
Affronter le Leinster entraîné par Stuart Lancaster futur coach du Racing, ça doit être particulier…
On est tous les deux concentrés sur nos clubs actuels et sur nos prochaines échéances respectives. Il sera temps après de travailler encore plus sur notre projet commun.
Où en êtes-vous de vos cours d’anglais et lui de ses cours de français ?
Je sors d’une heure de cours ! Le but est d’être prêt pour faire des réunions en anglais, mais Stuart, comme il vient en France, fera lui aussi tout pour qu’on le fasse aussi en français. C’est un beau challenge entre nous deux ! (sourire)
« Stuart Lancaster va amener une autre culture, une nouvelle vision pour amener une nouvelle dynamique »
Pourquoi avoir pris un entraîneur étranger et pas français ?
On ne veut que des joueurs français et des entraîneurs français dans notre championnat !!! Nous ne pouvons pas vivre replié sur nous-mêmes et n’exister qu’à travers la France. On est ouvert et on voulait qu’il y ait du changement après ces dix années, à tous les niveaux, joueurs et entraîneurs. Stuart va amener une autre culture, une nouvelle vision pour amener une nouvelle dynamique.
Après dix ans à la tête du Racing, vous passerez donc la main à Stuart Lancaster en fin de saison. Est-ce votre choix ?
Personne ne décide à ma place ! Après, il y a un patron, Monsieur Lorenzetti, avec qui je collabore depuis dix ans, dans une affection réciproque. La possibilité a été évoquée que je prolonge sur une durée beaucoup plus longue, mais j’ai émis le souhait que pour le club ce serait bien qu’il y ait quelque chose de nouveau. J’aurais pu tenter une autre aventure autre part, ce sera peut-être le cas plus tard, mais le président m’a demandé si je pouvais m’engager à ses côtés, j’y ai répondu favorablement et j’en suis très heureux. Il m’a alors demandé de choisir quelqu’un pour ma succession. C’est vraiment une décision commune avec le président.
« Laurent Labit est un passionné comme Philippe Saint-André ou Elissalde »
Passer d’entraîneur à président, ce n’est pas commun !
Joueur, entraîneur, adjoint, entraîneur principal et président, je pense être le premier ! Mais il faudra aussi que je sois à la hauteur. C’est quelque chose de nouveau. Est-ce que je serai capable de tenir ce poste-là ? Je n’en sais rien du tout. Le terrain peut aussi me manquer. Je vais donc voir si cette nouvelle fonction correspond à mes attentes.
Vous ne tirez donc pas un trait sur le métier d’entraîneur.
En aucun cas ! Avant que président ne devienne mon nouveau métier, il faut que je montre mes capacités. Je suis passé de joueur à entraîneur. Il faut alors faire ses preuves. En tant qu’entraîneur, c’est ma 21ème saison d’affilée dont 10 au Racing 92. C’est un métier passion, j’y suis attaché. Une nouvelle opportunité s’offre à moi, c’est excitant et je suis très motivé. Par contre, est-ce que je répondrai aux attentes et est-ce que ça répondra aussi à mes attentes, il y a un point d’interrogation. On fera le point et un état des lieux au bout d’un an.
La saison prochaine, vous retrouverez votre ancien compère du Racing Laurent Labit chez le voisin du Stade Français…
C’est un passionné comme peuvent l’être Yannick Bru, Jeff Dubois, Jean-Baptiste Elissalde ou Philippe Saint-André qui ont eu eux aussi un rôle en équipe de France. On est animé par cet ADN-là d’entraîner et d’être au bord du terrain. Après, il n’y a pas de rivalité entre le Stade Français et le Racing. L’important est que le Racing gagne ou arrive en finale.
Laurent Travers mise sur la formation pour faire évoluer le Racing 92
En parlant de l’équipe de France, elle n’a jamais paru aussi forte. N’arrive-t-elle pas trop tôt dans la peau DU grand favori pour la Coupe du monde ?
Si on regarde les cotes, la France est favorite et sa victoire ne rapporte pas grand-chose. Mais c’est normal qu’elle le soit. Tout a été fait pour qu’elle soit championne du monde. Je pense que ça peut être la bonne année. A nous d’être tous derrière elle !
A l’image de Le Garrec ou Spring, le Racing sort beaucoup de jeunes. Pourtant, on parle toujours de la formation made in Toulouse, moins de celle du Racing…
C’est aussi à nous de faire ce qu’il faut pour que ça soit reconnu. Il n’y en a pas moins un travail énorme d’effectué au centre de formation sous l’impulsion de Christophe Mombet. Sur les dernières feuilles de matches, il y avait d’ailleurs plus de 15 joueurs issus de la famille du Racing sur 23 joueurs, ce qui n’est pas négligeable.
Certains joueurs ont attaqué la Fédé et la Ligue suite à des commotions cérébrales. Les clubs doivent-ils s’inquiéter ?
On n’est à l’abri de rien. Je peux parler de ce qu’on fait au Racing ou quand j’étais à Castres, et sur ce plan-là je ne suis pas inquiet. La santé est primordiale et celle des joueurs l’a toujours été et on a toujours fait ce qu’il faut pour minimiser les risques.