En l’absence du tenant du titre, Gimondi, et alors que tout le monde attendait un duel Anquetil-Poulidor, c’est le prometteur, mais inattendu Lucien Aimar, qui allait remporter le tour en 1966. En faisant la différence dans un col de l’Aubisque qui lui avait été fatal un an plus tôt…
Même s’il a déjà pas mal roulé sa bosse chez les amateurs, notamment pour pouvoir participer aux JO de Tokyo en 1964. C’est presque dans l’anonymat que Lucien Aimar se présente au départ de son second Tour de France, à Nancy, le 21 juin 1966. Dans l’ombre des deux leaders de chez Ford-Hutchinson, Jean Stablinski et surtout Jacques Anquetil. Aimar a encore en tête sa désillusion de l’année précédente lorsqu’une terrible insolation lui fit quitter la grande caravane au milieu du col de l’Aubisque.
C’est pourtant dans la même ascension, au coeur des Pyrénées, pour la 10ème étape menant à Pau, qu’il posa la première pierre de sa victoire finale. Présent dans une échappée matinale qui se révèlerait décisive, il prenait plus de sept minutes d’avance sur les principaux favoris.
Les Pyrénées, l’ascension victorieuse de Lucien Aimar
Surtout, il renversait la table dans sa propre équipe et obligeait son directeur sportif, l’inénarrable Raphaël Géminiani, à lui confier les clés du camion comme il lui en avait fait la promesse avant le départ (lire l’interview). Exit Anquetil, obligé de se mettre au service de son nouveau leader et d’abandonner le rêve d’une sixième couronne.
Dans un Tour dont le parcours ne comportait, pour la dernière fois, aucune arrivée en altitude. Le vainqueur de Gênes-Nice, 2ème de la Flèche Wallonne en début d’année, avait fait le plus difficile. Il ne lui restait qu’à résister aux assauts de ses deux plus dangereux adversaires, le Néerlandais de chez Pelforth Jan Jansen, et le Français de chez Mercier, Raymond Poulidor.
Vainqueur final sans gagner une étape
Une fois les Pyrénées avalées, c’est après la terrible 16ème étape alpestre, avec l’enchaînement des trois cols mythiques ; Croix de Fer-Télégraphe-Galibier, où 28 coureurs arrivèrent hors délais, que Lucien Aimar fit la différence et prit le maillot jaune pour la première fois sur les épaules de Jansen.
Plus que ses talents de pur grimpeur qu’il n’était pas vraiment. C’est dans ceux de descendeur qu’il puisa pour prendre la main à l’issue de la 17ème étape entre Briançon et Turin. Deuxième du général avec 27 secondes de retard sur le premier, Jansen, il s’empara en Italie du maillot jaune avec 1’35 d’avance sur le Néerlandais. À 25 ans, le Varois venait de frapper un grand coup. Avec la bénédiction d’Anquetil qui avait bien pris soin de neutraliser les attaques de Poulidor pour protéger son nouveau leader. Souffrant, il se savait diminué.
Lucien Aimar réalise un grand finish
Il allait abandonner quelques jours plus tard et ne plus jamais revenir sur l’épreuve qui fit sa gloire. Orphelin de son meilleur ennemi, Poulidor pouvait commencer sa tentative de remontada. Le lendemain, entre Ivrea et Chamonix, il grignotait 50 secondes, remontait à la 5ème place… et finissait sur le podium au prix d’un dernier contre-lamontre canon entre Rambouillet et Paris.
En limitant la casse sur Poulidor (2’40) et sur Jansen (28 »), Aimar avait su magnifiquement assumer son nouveau statut et profiter d’un alignement des planètes qui ne se reproduirait plus. 6ème en 1967, 7ème en 1968, 9ème en 1971… il fut l’un des rares à avoir remporté le Tour sans en gagner une seule étape (comme LeMond, Froome ou Bernal depuis).
En 1968, lorsqu’il remporta le championnat de France, il était leader de l’équipe BIC, mais dans l’incapacité de résister à la montée en puissance d’un certain Eddy Merckx… Témoin de la fin de carrière d’Anquetil, il le fut aussi de celle du Cannibale en participant à son neuvième et dernier Tour en 1973.