vendredi 26 avril 2024

Basket : pourquoi les entraineurs français ont du mal à s’imposer à l’étranger ?

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Jean-Marc Azzola
Jean-Marc Azzola
Journaliste

Alors que les joueurs français déferlent dans le monde entier, les entraineurs français constituent une vraie rareté depuis des décennies sur de grands bancs européens.

La France est le seul pays européen majeur à ne posséder aucun entraîneur dans un club d’envergure. En 60 ans, seuls trois ont pu tenter l’aventure. Il y a eu Robert Busnel au Real Madrid (1965/1966), Michel Gomez au PAOK Salonique (1996/1997) et Grégor Beugnot à Varese (2001/2003).

« Il suffirait qu’il y en ait deux ou trois qui partent, aient des résultats pour que cela crée un effet de mode. Le plus difficile sera d’être le premier, d’être le précurseur » constate Stéphane Dumas, l’assistant coach français de Gran Canaria. L’ancien meneur de Limoges avance quelques explications à cette incroyable pénurie française :

« C’est vraiment compliqué de se faire un nom sur la scène européenne. A part Vincent Collet c’est impossible. Avec la plateforme équipe de France et ses médailles, tout le monde sait qu’il fait partie des très bons coachs européens, mais avoir des résultats uniquement dans le championnat de France n’aura pas de réelles répercussions ».

Attirer l’intérêt des clubs sur le résultat

Michel Gomez se souvient de son passage au PAOK : « Pour attirer un club étranger, il faut attirer l’attention par ses résultats. Avec Pau, on avait par exemple été le premier club français à gagner en Grèce, contre l’Olympiakos. Il ne faut surtout pas partir tout seul à l’étranger, mais avec deux assistants et au moins un joueur dans le vestiaire. C’est ce que font les Yougos ! Au PAOK, j’étais venu seul, Frédéric Sarre n’avait pas voulu et il le regrette aujourd’hui. On avait d’ailleurs parlé avec Frédéric, Claude Bergeaud et l’ostéopathe, de monter un staff et d’aller à l’étranger. C’était un rêve… ».

Devant cette éventualité de voir un jour Vincent Collet entraîner un grand club d’Europe, l’ancien coach de Limoges et sélectionneur de l’équipe de France est dubitatif : « La NBA, c’est autre chose… Après, il faut aussi avoir envie de prendre des risques. Moi j’avais fait le tour en France. J’ai refusé cinq ans de contrat de la Fédération en 1995 ! Je voulais vivre des aventures. Le sport, c’est l’aventure, ce sont des risques, même si ça ne dure que trois mois. Ça ne fait jamais plaisir d’être viré, mais comme disait George Foreman : sept fois tombé, champion du monde ! ».

« L’entraîneur français préfère rester dans son pays »

Frilosité des coachs français, caisse de résonance trop faible du championnat de France… autant de facteurs aggravants que confirme Stéphane Dumas, chez nos confrères de Be Basket. « Le style de jeu français n’est pas réellement considéré. La Betclic élite est plus vue comme une plateforme pour se montrer. Même s’il y a certaines équipes qui développent du beau jeu en France, l’idée est que ce n’est pas le basket le plus élaboré tactiquement ».

Laurent Buffard avait lui convaincu le tout puissant club féminin d’Ekaterinbourg en 2007. « Il y a peu de coachs français qui vont à l’étranger car, à part être dans les grandes équipes, où vous gagnez bien votre vie, l’entraîneur français préfère rester dans son pays, concède ce dernier. Il bénéficie d’avantages comme sur les contrats. C’est plus respecté en France alors que cela ne l’est pas toujours ailleurs. Sans parler du chômage et de la retraite…»

« Beaucoup d’entraîneurs étrangers gagnent peu dans leur pays et viennent aussi monnayer leur savoir-faire chez nous. Les Serbes s’exportent beaucoup notamment car chez eux ils ne gagnent rien. Vincent Collet pourrait par contre être entraîneur d’une grosse équipe en Europe. Bien souvent ce sont des sélectionneurs qui sont amenés à partir. Mais attention à ne pas partir sur l’étranger pour simplement partir. Quand on y va, c’est pour gagner. Vous avez aussi plus de pression. Vous êtes un étranger. Il faut réussir. »

« Le premier qui sortira des sentiers battus en amènera d’autres »

L’Olympiakos a fait le forcing pour débaucher Vincent Collet en 2014 de Strasbourg. Fils du sélectionneur, Florian Collet, agent sportif chez Comsport qui compte une dizaine de coachs (outre Vincent Collet, Pascal Donnadieu, Laurent Vila, Elric Delord, Frédéric Fauthoux, Laurent Legname, Rémy Valin, Laurent Foirest, Julien Mahé, etc), essaie de dessiner l’avenir de l’entraîneur des Metropolitans tout en proposant une photographie globale de la situation :

« Nos entraîneurs n’ont pas forcément une belle réputation de par le basket qui est proposé chez nous. Notre championnat a été décrié, les résultats de nos clubs en Coupe d’Europe n’ont pas aidé. Il y a effectivement une petite frilosité à travailler avec un coach français. Comme ils ne se sont quasiment jamais exportés, ce serait vu comme un pari de sortir un Français de son championnat. Cependant, je ne crois pas trop à la fatalité. Le premier qui sortira des sentiers battus en amènera d’autres. Notre Ligue a progressé. La réputation change un peu ».

Les entraineurs français n’ont pas bonne réputation

« Une carrière cela se construit également. Pour qu’un club étranger vous sollicite il faut déjà performer en France. C’est un processus qui se met en place comme pour un joueur. Concernant Vincent Collet l’étranger peut faire partie de ses plans ».

« Cela dépendra des opportunités. Ce n’est pas quelque chose qu’il écarte. Mais il ne partira pas à l’étranger pour entraîner une équipe moyenne même dans un bon championnat. Il souhaite une équipe compétitive. L’Espagne pourrait effectivement peut-être l’intéresser davantage dans le sens où il y a 5 ou 6 grands clubs là où, dans d’autres pays, il n’y en a qu’un ou deux. Mais si demain un très gros club allemand, grec ou italien l’appelle, cela pourrait être le cas aussi. »

Pour Laurent Legname, il y a un an, on parlait de touches en Allemagne et en Espagne. Une chose est sûre, le made in France a encore du chemin à faire pour s’imposer.

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