samedi 27 avril 2024

Christophe Urios (Clermont) : « On ne me manipule pas »

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Manager de Clermont depuis janvier 2023, Christophe Urios nous parle de son club, mais aussi des Bleus, de ses inspirations et de son métier. Entretien pour Rugby Magazine et Le Quotidien Du Sport.

Aviez-vous déjà en tête de devenir entraîneur quand vous étiez joueur ?

Pas du tout ! C’est venu par hasard. Je suis issu du monde viticole, mes parents étaient vignerons. Je n’étais pas prédestiné à entraîner. On est en 1995, c’est le début du professionnalisme. On est passé professionnel, on a arrêté de travailler à côté. En dehors des entraînements, je m’ennuyais, je pensais reprendre l’exploitation familiale.

J’ai assisté à des réunions de formation, j’ai passé le BE1 puis le BE2, ça m’a plu. J’ai commencé avec les jeunes je jouais encore. Ça me passionnait de voir le rugby d’une autre façon, de faire grandir des gamins de moins de 18 ans. Cette expérience a fait de moi un meilleur joueur de rugby.

Quelle est votre plus belle réussite ?

Oyonnax sans hésiter. Moi, ce qui me passionne le plus dans le rôle de manager, c’est de construire un groupe, de travailler avec lui, de faire évoluer les joueurs. Je suis arrivé pour construire, on a tout connu. C’est nous qui écrivions l’histoire, on avait la fierté de franchir les étapes, de voir notre travail récompensé par les résultats.

Votre métier a-t-il changé ?

Oui, tout est plus compliqué aujourd’hui. Le manager ne contrôle pas tout, les relations avec les présidents qui sont pour la plupart des grands chefs d’entreprises aujourd’hui sont différentes. Il faut gagner absolument, il est beaucoup plus difficile de construire que dans le passé. Les staffs sont de plus en plus importants et chacun souhaite exister auprès des joueurs et des médias. Les relations avec les médias sont différentes aussi.

Plus généralement, le contexte autour du rugby n’est plus le même. Ça va vite, on n’a plus le temps de construire. Ça rend le métier difficile. La seule chose qui n’a pas changé, ce sont les joueurs. Il y a toujours différents caractères, des personnalités différentes.

Vous avez vécu votre premier échec à l’UBB. Comment avez-vous réussi à digérer votre éviction ?

Je ne l’ai pas vécue comme un échec. Ça s’est mal terminé, mais on a quand même fait plusieurs demi-finales. Ça s’est mal terminé et on n’a pas gagné de titres, mais on a permis au club de retrouver les phases finales. Je voulais continuer puis des choses ont filtré dans la presse, ça ne m’a pas plu. Après cet épisode, l’UBB ce n’était plus pareil.

Comme je suis cash et j’aime que les choses soient claires, j’ai dit à mon président : « Dis-moi si tu veux qu’on continue ou pas ». Il m’a dit de lui laisser la soirée pour réfléchir, le lendemain il me disait que c’était fini. Ça a été rapide, brutal. Je m’adapte, mais on ne manipule pas. Je reconnais que ça a été dur, j’ai eu le soutien de ma famille et je me suis concentré sur mon exploitation viticole.

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« Baptiste Jauneau, c’est un prodige, il me rappelle Toto Dupont »

Quelques semaines après, vous signez à Clermont en cours de saison. N’avez-vous pas craint d’arriver avec un effectif que vous n’aviez pas choisi ?

Mon idée était de reprendre une équipe la saison suivante en effet. J’ai eu quelques propositions en fin d’année et j’ai décliné car j’avais besoin de me régénérer, je ne me sentais pas capable de reprendre. Mais, mi-janvier, j’étais fier de recevoir une proposition de Clermont. Elle m’a redonné confiance en mon métier. Clermont est un club historique, qui a toujours été bien géré, je ne pouvais pas dire non.

Le club a perdu beaucoup de cadres ces dernières saisons, ne se qualifie plus pour les phases finales. Quels sont les objectifs cette saison alors que votre club a quitté le Top 6 ?

On est dans une période de reconstruction. Je suis complètement en phase avec les dirigeants qui veulent reconstruire des bases solides, la relation avec les supporteurs, se tourner vers les territoires, les acteurs locaux. Mais il faut quand même accompagner cette reconstruction de résultats sportifs. L’objectif est le Top 6, mais ce ne sera pas facile de l’atteindre.

Vue notre situation, on regarde avec un œil devant et l’autre œil derrière. Le rugby, pour moi, c’est d’abord une mentalité et un état d’esprit. Quand tu ne l’as pas, tu ne peux pas exister comme à La Rochelle. Notre collectif faisait notre force depuis deux mois et nous avait remis dans la course au Top 6, mais on a oublié ça. Je veux passer à autre chose.

Quel est le joueur que vous avez entraîné qui vous a le plus marqué ?

Si on parle de relation, de fidélité, c’est Antoine Tichit. Par contre, si on parle de gros caractère au plus haut niveau, c’est Benjamin Urdapilleta et Rory Kockott. Si on parle de talent, c’est Matthieu Jalibert.

En parlant de talent justement, vous avez un jeune sacrément talentueux à la mêlée, Baptiste Jauneau…

Ah oui. C’est un prodige, il me rappelle Toto Dupont que j’avais eu à Castres. Il a le même potentiel physique, technique. Baptiste est un joueurs d’Alain Gaillard.

Christophe Urios pas favorable à un rugby normatif

Etes-vous favorable à la proposition de Provale de limiter le nombre de matches des joueurs à six rencontres consécutives ?

On a des règles, ce n’est pas évident de changer, mais ça ne me parait pas déconnant. Moins j’aurais dit non, mais six ça parait un bon chiffre. Avec toutes les règles qu’il y a, les internationaux qui partent, le salary cap, les K-O. etc… c’est un casse-tête de faire les équipes machine a du mal à repartir. On a voulu faire du neuf avec du vieux, il faudrait reconstruire avec des jeunes. Il y a un besoin de faire bouger les lignes. Peut-être que le sélectionneur profitera de la tournée d’été pour lancer des jeunes.

Le métier de manager est très prenant. Avezvous le temps de profiter de votre exploitation viticole ?

Je fais mon business en même temps que le rugby, j’en ressens le besoin. Quand je discute gros bosseur, il est ambitieux. Il a fait une fin de saison incroyable, il a plus de mal à confirmer aujourd’hui, il a moins de fluidité dans son jeu, mais tous les joueurs passent par des moments difficiles dans leur carrière, il est suffisamment intelligent et talentueux pour rebondir.

Y’a-t-il un manager qui vous inspire ?

Plusieurs. J’aime la sagesse d’Arsène Wenger, la folie de Klopp, la façon de transcender ses aujourd’hui, d’avoir des effectifs qualitatifs. Le Top 14, c’est la jungle, bientôt il faudra des effectifs de 60 joueurs !

Quel regard portez-vous sur l’équipe de France ?

Je n’ai pas d’avis, je ne les regarde plus, ça ne m’intéresse plus. Je ne me suis pas exprimé avant ou après la Coupe du monde. La défaite face à l’Afrique du Sud a été dure à accepter la

avec des entraîneurs, je leur dis qu’il est fondamental d’avoir une passion sinon le travail va les bouffer. Il faut une échappatoire, un business. D’ailleurs, quand je suis dans mon exploitation, le lendemain je suis bien meilleur au rugby.

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