Les championnats de France sont devenus, avec le temps, la chasse gardée d’une équipe (Groupama-FDJ) qui est passée maître dans l’art de bien les préparer, de bien les aborder… pour souvent les gagner. Une affaire de culture et de philosophie savamment entretenue par Marc Madiot.
Après le troisième titre d’Arnaud Démare, le 23 août sur le circuit de Grand-Champ dans le Morbihan, la joie très démonstrative de Marc Madiot se suffisait à elle-même pour expliquer tout ce qui lie Groupama-FDJ aux championnats de France. S’adressant aux stagiaires de la Conti qui venaient d’être les témoins de ce nouveau succès, l’emblématique manager français leur lançait :
« Eh les jeunots, ça vous fait b… ça quand même, non ? Quand je vous dis que vous n’êtes pas dans une équipe comme les autres, vous avez compris pourquoi ! » Depuis qu’il a été, lui même, champion de France en 1987 (un an après son frère, Yvon), Marc Madiot a toujours considéré le maillot tricolore comme le plus beau de tous.
Démare, nouveau champion de France avec Groupama-FDJ
Une fois passé de l’autre côté, patron d’équipe, il n’a jamais cessé d’en défendre la symbolique, de refuser par exemple de le voir parasité par des sponsors.
C’est donc un maillot vierge de toute publicité que portent les champions de France de chez Groupama depuis le premier, en 2002, Nicolas Vogondy (voir interview ci-contre), jusqu’au dernier, en 2020, Arnaud Démare. Pour expliquer cette démarche qui, depuis, a fait d’autres adeptes à l’étranger, Madiot convoque ses sentiments les plus patriotiques :
« C’est plus qu’un maillot, c’est un drapeau et ça se respecte d’autant plus que, pendant une année complète, on le porte sur soi. C’est un maillot prestigieux que l’on reconnait et que l’on identifie partout dans le monde. Il a une forte valeur symbolique. Il symbolise la profession. Quand un ministre, un président ou une autre sommité se déplacent sur une épreuve cycliste, on lui présente toujours le champion de France. »
De là à y briller et à se constituer un tel palmarès, avec huit titres depuis 1997, dont sept depuis 2012, il y a un fossé que Groupama-FDJ a depuis longtemps franchi, passée maître dans la préparation physique, et surtout psychologique de l’épreuve nationale de référence.
« Il faut croire que mes coureurs adhèrent à mon discours parce qu’ils réussissent magnifiquement, précise le Mayennais… ou que je les choisis bien (rires) ! » Après Vogondy qui a donc ouvert le bal en 2002, tous ont toujours reçu le message cinq sur cinq, de Bouhanni en 2012 à Démare en 2014, 2017 et 2020, sans oublier les deux victoires de Vichot en 2013 et 2016, celle de Roux en 2018.
« Quand on a ce maillot, on se transforme et c’est pour ça qu’il est magique »
Tous sont comme habités par le prestige de l’épreuve. Tous acceptent leur mission : perpétuer la tradition et renforcer encore davantage l’adn d’une équipe qui s’est construite autour des valeurs fortes véhiculées par cette épreuve.
« Chez nous, ça transcende, se félicite Madiot. Quand on a ce maillot sur les épaules, on se transforme et c’est pour ça qu’il est magique. Instantanément, il vous permet d’entrer dans une nouvelle dimension. »
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Depuis deux décennies, ce rendez-vous rituel d’avant Tour de France permet aux Groupama-FDJ de resserrer les liens, de souder l’équipe, d’offrir ce supplément d’âme et de confiance à ses coureurs.
« C’est même plus fort qu’une étape du Tour, ose Madiot, car il n’y a qu’un maillot de champion de France attribué par an. » Cette année, la grande messe aura lieu à Epinal pour une 110ème édition qui sourira encore au plus déterminé, à celui qui aura le plus envie de bouffer du bleu-blanc-rouge pendant un an.
« L’une des particularités du championnat de France, ce qui le rend à mes yeux plus attractif, c’est que 90% des partants peuvent espérer le gagner alors que dans les autres épreuves, sur un parcours bien typé, seuls les leaders, parce qu’ils sont amenés par leurs équipiers, peuvent y croire. »
Sauf qu’en l’occurrence, depuis dix ans, les statistiques ne placent pas l’épreuve nationale parmi les plus ouvertes du circuit… car, à la fin, c’est souvent Groupama-FDJ qui gagne.
En 2016, à Vesoul, les Madiot’s Boys avaient même réussi le grand chelem en remportant trois titres grâce à Vichot (route), Pinot (c-l-m) et Madouas (route amateur), Mourey en apportant un quatrième en cyclo-cross. « Comme chaque année, on ira pour gagner, termine Madiot. Parce que ce maillot, on l’a récupéré l’an dernier et on veut le garder ! »