vendredi 26 avril 2024

Basket : la naturalisation, un débat sensible sur le parquet

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Jean-Marc Azzola
Jean-Marc Azzola
Journaliste

Le cas récent incarné par Lorenzo Brown qui a grandement contribué au titre de champion d’Europe de l’Espagne démontre que la problématique de la naturalisation reste un sujet épineux.

Dans le microcosme de la balle orange, il n’y a pas que Joel Embiid qui a défrayé la chronique récemment. L’avenir du pivot des Sixers reste encore à éclaircir. Même si ce joueur né à Yaoundé au Cameroun, lequel a obtenu la nationalité française en juillet et américaine en octobre, aurait, aux dernières nouvelles, une préférence pour les Bleus. Des Tricolores justement parlons-en !

A l’Euro, ils sont tombés de haut en perdant l’ultime bataille contre l’Espagne… avec un certain Lorenzo Brown (32 ans). Un « Viva Españo » maladroit est sorti de sa bouche pour célébrer le moment, lui qui a été un des bourreaux des Bleus en finale (76-88). Par contre, pendant la rencontre, le natif de Roswell dans l’Etat de Géorgie n’a pas beaucoup manqué sa cible avec 14 points inscrits et 11 passes décisives.

Cet été, le Ministère de la Justice espagnole avait ratifié la demande de naturalisation du meneur américain Lorenzo Brown. Le 52ème choix de la draft 2013 (par Minnesota) avait dû abandonner son passeport américain afin de devenir espagnol du fait que le pays n’accepte pas la double nationalité. Avec la blessure de Ricky Rubio et la retraite de Sergio Rodriguez, la fédération espagnole s’était mise à la recherche d’un meneur.

La piste avait donc mené à l’ancien joueur des Raptors entre 2017 et 2019. Il n’y a pas qu’en France que cette situation a fait débat. En Espagne aussi. Le syndicat des joueurs a ouvertement critiqué cette procédure : « En obtenant la nationalité espagnole expressément pour un joueur sans aucune racine en Espagne, le message envoyé aux joueurs nationaux est très nocif et a un impact négatif à la fois sur le présent et sur l’avenir. Est-il crédible que l’actuelle équipe championne du monde ne trouve pas de joueurs espagnols avec qui concourir dans les épreuves du plus haut niveau international ? ».

« Pour certains, gagner ou perdre signifie davantage que de grandir dans leur propre pays »

Alors que penser de ces naturalisations ?

« Tant qu’on n’interdit pas formellement… Au basket, il y a certaines règles et certains pays jouent avec cela. Cela sert certaines nations et en défavorisent d’autres. Cela peut conférer des avantages assez conséquents. Mais comme il n’y a pas de vraies interdictions de naturaliser… Cela peut créer aussi des déséquilibres. Si on naturalise un énorme joueur en Espagne ou ailleurs, le visage d’une sélection peut être vraiment modifié. »

« Je ne parle pas que du résultat de l’équipe de France en finale de l’Euro. Mais sans de vraies règles, tant qu’on n’interdit pas, il faut faire avec, se concentrer sur soi et performer. Dans ce genre de dossier, il est toujours compliqué de contenter tout le monde. Pour beaucoup, une naturalisation est toujours celle de trop » témoigne Jérémy Leloup, l’ancien joueur de l’Elan Béarnais et international.

La naturalisation crispe le basket

Hugo Invernizzi, l’ailier fort des BC Wolves en Lituanie, est sur la même longueur d’onde :

« La thématique de la naturalisation pose un problème quand elle est faite de manière abusive. Il faudrait réguler, mais c’est très compliqué à mettre en place. Que Lorenzo Brown qui n’a jamais joué en Espagne re présente ce pays est peut-être un peu exagéré. Cela a fait du bruit car il a bien aidé l’Espagne à gagner (il a d’ailleurs été élu dans le 5 du tournoi !, Ndlr). Cependant, cela fait des années que tous les pays ont un naturalisé qui n’y a jamais quasiment mis les pieds. Qu’un Joel Embiid joue pour la France, j’en serai content, c’est un joueur formidable, mais il n’y a pas beaucoup de liens non plus… Après, que des joueurs jouent cinq à dix ans dans un pays pour représenter l’équipe nationale, je le comprends davantage ».

« On s’assimile alors rapidement à ce pays. Mais en Lituanie ce serait très bizarre de faire cela. Cela ne leur viendrait même pas à l’idée. De toute façon, quand on met en place une règle, on trouve toujours un moyen de la contourner. La solution ? Imposer un nombre d’années par exemple. Terry Tarpey est naturalisé. Cela fait des années qu’il est en France. Il joue depuis longtemps au Mans (depuis 2017, Ndlr). C’est donc normal qu’il puisse jouer pour la France. Moi, si l’année prochaine je pouvais jouer pour la Lituanie ce serait curieux. Je n’irai pas de toute façon, je ne comprendrai pas la langue… ».

La parole est donnée à Sam Dekker, l’Américain des London Lions. Sans citer directement Lorenzo Brown, le 18ème choix de la draft 2015 par Houston, reste perplexe par rapport à la situation : « Je trouve tout cela assez déroutant. Que je puisse voir des Américains en plein Euro est de nature à m’intriguer. Je ne comprends pas trop le processus en fait. Pour certains, gagner ou perdre signifie davantage que de grandir dans son propre pays. Après, si des sélections vous sollicitent, alors allez-y. Je ne dis pas que c’est forcément quelque chose de mal, mais cela m’intrigue ».

L’histoire ne dit pas si Lorenzo Brown savait placer l’Espagne sur la carte. Mais il l’a bien aidée à gagner. Il aurait pu le faire avec la Croatie qui avait songé à le naturaliser…

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