vendredi 26 avril 2024

Insatiable, Luis Suarez en veut encore plus

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

À 34 ans, il a conservé la même grinta et la même efficacité pour demeurer, avec les Colchoneros, le meilleur buteur de la Liga… après Messi. Dans son style caractéristique, l’Uruguayen Luis Suarez continue de donner des regrets au Barça et de porter l’Atlético vers un nouveau titre.

Ses yeux toujours un œil sur le but…

Il voit vite, il voit loin et restera à jamais comme un des meilleurs buteurs du XXIème siècle. Statistiquement, depuis 2000, son ratio de 0,67 but par match (277 buts en 411 matches de championnat) le place même au 4ème rang mondial juste derrière Lewandowski (0,73), CR7 (0,77) et Messi (0,87). C’est dire.

Au gré des changements de clubs et de championnats, son efficacité ne s’est jamais démentie parce que, comme tous les grands prédateurs, il a toujours réussi à avoir un coup d’avance, à voir avant tout le monde pour gagner ces fractions de secondes qui lui permettent de se trouver souvent au bon endroit au bon moment, jamais loin de la surface de réparation, et avec toujours un oeil sur le but… Comme une obsession.

Ses dents : le mea culpa du « cannibale Suarez »

Elles sont à l’origine de son surnom, « le cannibale », et de plusieurs mois de suspension. Cinq matches d’abord en 2013, en Premier League, après avoir mordu Branislav Ivanovic dans un Liverpool-Chelsea électrique.

Quatre mois ensuite avec l’Uruguay lors de la Coupe du Monde 2014 face à l’Italie et un contact litigieux avec le défenseur Giorgio Chiellini. Déjà soupçonné lorsqu’il était à l’Ajax, si Suarez n’avoua jamais en public la réalité de ces agressions hors norme, en privé, par contre, il accepta l’idée de se faire soigner. Poussé par les dirigeants catalans, il consulta plusieurs psychologues et reconnut quelques années plus tard :

« C’était une grave erreur de ma part de ne pas accepter cette réalité. Me tourner vers des psychologues m’a beaucoup aidé. J’ai beaucoup souffert, j’étais vraiment méchant. Mais, accepter ses erreurs, c’est aussi grandir. » Sans se transformer pour autant en agneau, « le cannibale » avait vécu.

Son coeur : « Jamais vu un joueur qui veut autant gagner ! »

Lorsqu’il a quitté le Barça l’été dernier, le quotidien catalan Mundo Deportivo a titré : « Adios, killer ! » Rarement le départ d’un joueur avait suscité autant de débats et de controverses au sein du club en raison de son profil mental, de la grinta qu’il n’a jamais cessé de symboliser dans un effectif qui en a souvent manqué ces dernières saisons, surtout en Ligue des Champions.

Suarez, lui, est toujours resté le même : accrocheur, dissimulateur, malin et prêt à tout pour parvenir à ses fins, souvent à la limite, jamais autrement qu’avec un engagement total. A l’Ajax, Liverpool, Barcelone ou l’Atlético Madrid, il n’a jamais fonctionné autrement qu’en donnant tout son coeur, c’est une question de caractère et d’éducation.

« Je ne crois pas avoir jamais vu un joueur qui veut autant gagner, disait de lui son ancien coéquipier Jamie Carragher, sans oublier de préciser, et franchir la limite à plusieurs reprises. » Elevé à la dure par une mère seule avec ses six frères et soeurs dans un quartier difficile de Montevideo, c’est dans la rue qu’il a appris le foot et les codes pour se faire respecter. De la rue que lui vient cette combativité à toutes épreuves.

Ses jambes : bien campé sur ses appuis, difficile à bouger Suarez

Opéré pour une lésion interne du ménisque en 2019, ses genoux auront toujours été son maillon faible qui lui valurent une opération plus délicate en janvier 2020 pour six mois d’indisponibilité, la plus longue période de blessure de sa carrière.

Nonobstant cet épisode récent qui a largement contrarié ses derniers mois au Barça et retardé son intégration à l’Atlético, Suarez n’a jamais été mis hors course plus d’un mois. Physiquement, eu égard à sa débauche d’énergie, et à la longévité de sa carrière, la nature a plutôt bien fait les choses.

Car s’il n’est pas très rapide, ses jambes lui ont toujours permis d’assumer un jeu très engagé, basé sur beaucoup de contacts, de protection de balle, et de duels épiques. Son centre de gravité assez bas le rend redoutable dos au but, difficile à déstabiliser balle aux pieds sinon à risquer la faute. Explosif sur les premiers appuis, sa capacité à rapidement engager ses épaules devant son défenseur le rendent intouchable dès qu’il entre dans la surface de réparation. Au risque de le voir réclamer, forcément, un penalty.

Son cerveau : une intelligence instinctive redoutable

Si l’intelligence de jeu n’est pas le premier facteur qui détermine son style… c’est une erreur. Car pour parvenir comme il le fait depuis 15 ans à s’adapter, sans jamais perdre son efficacité, à des organisations et des systèmes aussi variés que ceux de Liverpool, avant l’arrivée de Klopp, du Barça et de l’Atlético Madrid version Simeone, encore faut-il comprendre le jeu.

Instinctivement, Suarez capte tout de ce que doit savoir un attaquant moderne. Dans l’anticipation, des erreurs potentielles des défenseurs ou des intentions de ses partenaires, dans l’utilisation des espaces entre les lignes, l’Uruguayen est passé maître dans l’art du contre-pied, de la fausse piste. Et de parvenir encore, à 34 ans, à surprendre des défenseurs qui, avec le temps, ont pourtant appris à le connaître par coeur. A leurs dépens…

Ses pieds : Suarez, beaucoup plus technique qu’il n’y parait

Aux trois-quarts de cette saison 2020/2021, alors qu’il avait trouvé ses marques dans l’animation offensive de Diego Simeone, son bilan révélait l’ampleur de sa palette technique. Sur ses 18 buts inscrits en Liga, 9 l’avaient été du droit, 3 du gauche, 2 de la tête, 3 sur penalty et 1 sur coup franc… et 99% depuis l’intérieur de la surface de réparation, son domaine de prédilection, sa zone préférentielle.

S’il est plus à l’aise dans le jeu court, les espaces réduits, jamais aussi efficace qu’au milieu d’une défense encombrée, c’est parce que ses appuis, courts et la vivacité de son pied lui permettent de se dégager rapidement du marquage adverse et de faire parler sa force de frappe. Là encore, son image de joueur rustre et avant tout puissant ne survit pas à l’analyse technique d’un joueur qui sait tout faire avec un ballon. Il suffit de tomber sur une vidéo de tous ses buts, ou de toutes ses passes décisives, pour ne plus en douter.

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