vendredi 26 avril 2024

Jean-Pierre Bernès : « A l’OM, le coach ne peut pas avoir les clés du camion »

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Avant de savoir qui allait être le successeur d’André Villas-Boas, l’ancien directeur sportif de l’OM Jean-Pierre Bernès analysait toute la difficulté, pour le duo Eyraud-Longoria, de choisir le bon profil d’entraîneur. Et de se remémorer les conditions dans lesquelles, le duo qu’il formait avec Bernard Tapie entre 1987 et 1993, avait eu à choisir celui (Raymond Goethals) qui allait leur permettre de gagner la Ligue des Champions.

Après le départ de Villas-Boas, l’OM était une nouvelle fois en quête d’entraîneur, pensez-vous qu’il existe un profil idéal eu égard à la situation actuelle du club ?

Il n’y a rien de plus compliqué que de choisir un entraîneur car il s’agit vraiment du rouage essentiel dans la vie d’un club. Le choix ne doit pas se faire à la légère. C’est trop important. Quant à savoir s’il existe un entraîneur idéal pour l’OM, je répondrais : c’est celui qui va faire gagner le club ! Forcément.

Dans l’histoire phocéenne, tous les profils y ont réussi : Marco Zatelli, qui avait été joueur, avec le président Leclerc, un jeune coach qui sortait du centre de formation, Gérard Gili, ou Raymond Goethals qui avait une grosse expérience. Plus près de nous, le dernier à avoir été champion, Didier Deschamps, avait encore d’autres caractéristiques.

« Tous ceux qui ont réussi à l’OM ont accepté de ne pas être seul »

Quel est le point commun entre eux, ceux qui ont réussi à faire gagner l’OM ?

Ils ont tous accepté de ne pas être seul. Ils n’ont pas fonctionné dans leur tour d’ivoire. Dans un club comme l’Olympique de Marseille, vous ne pouvez pas être isolé. Celui qui va travailler seul dans son coin, avec ses joueurs, ira forcément à l’échec. Parce qu’il y a trop de problèmes à régler, il faut absolument qu’il ait des appuis en interne. Mon expérience de 15 années de dirigeant dans ce club me fait dire que tous ceux qui y ont connu le succès l’ont fait en collaborant avec tout le monde.

Et ce n’est pas propre à Marseille. Dans l’histoire du foot français, tous les clubs qui ont dominé se sont appuyés sur des trios solides président-directeur sportifentraîneur : Bez-Couécou-Jacquet à Bordeaux, Rocher-Garonnaire-Herbin à Saint-Etienne, Fonteneau-Budzinski-Suaudeau à Nantes… à Marseille avec Raymond Goethals et Bernard Tapie nous étions aussi sur la même longueur d’onde. Pour avoir un bon entraîneur, j’ai tendance à dire qu’il faut aussi avoir un bon directeur sportif, en tout cas une bonne relation parce que le contact est quotidien.

Donc Longoria doit choisir un coach avec qui, forcément, il doit bien s’entendre.

Oui, c’est indispensable. Dans un premier temps, on est dans la relation humaine plus que dans la stratégie sportive. C’est un ressenti, un feeling qui doit passer entre les deux et sans lequel rien n’est possible. Il faut du respect, de la confiance.

« Si les entraineurs ont peur qu’ils changent de métier »

Lorsque vous aviez choisi Raymond Goethals en 1991, pour succéder à Beckenbauer, qu’est-ce qui vous avait motivé pour le recruter ?

Je me souviens, nous l’avions rencontré avec Bernard Tapie à Carcassonne. On lui avait dit que nous cherchions un entraîneur qui nous ferait gagner la Ligue des Champions. Il était en concurrence avec Tomislav Ivic. Il nous avait répondu : « Ne prenez surtout pas celui qui vous promettra de la gagner parce que le football est trop aléatoire ». Mais il avait terminé en disant : « Je ne vais pas vous dire qu’avec moi l’OM gagnera la coupe d’Europe. Par contre, moi, j’en ai déjà gagné une ! »   

« Un entraîneur de notoriété mondiale n’a aucune chance de réussir à Marseille s’il ne s’entend pas avec les dirigeants »

Faut-il avoir déjà gagné ailleurs pour espérer gagner à Marseille ?

Non, bien sûr que non. Gili n’avait rien gagné avant de faire le doublé coupe-championnat en 1989. Pas besoin d’avoir un gros cv. Un entraîneur de notoriété mondiale n’a aucune chance de réussir à Marseille s’il ne s’entend pas avec ses dirigeants et s’il n’a pas un effectif de qualité.

La base, c’est quand même d’avoir de bons joueurs. Si Didier Deschamps est le dernier à avoir gagné le titre, c’est parce qu’il avait un effectif pour ça. Il a su bâtir un groupe, en tirer le maximum. Il a bien bossé. Mais s’il n’avait pas eu les moyens de recruter les joueurs qu’il voulait, rien n’aurait été possible.

Que disent les démissions de Bielsa et de Villas-Boas selon vous sur la difficulté d’entraîner l’OM ?

C’est vrai que généralement les entraîneurs préfèrent se faire licencier… plutôt que de démissionner. Bielsa et Villas-Boas étaient deux personnalités à part. Joueurs ou entraîneurs, il ne faut pas retenir les gens de force.

Pour Jean-Pierre Bernès, il faut s’adapter à l’Institution OM

Ils regrettaient de ne pas avoir plus de pouvoir, le comprenez-vous ?

L’entraîneur de l’OM ne peut pas avoir, seul, les clés du camion, c’est impossible. Les entraîneurs ont souvent du mal à le comprendre. Avec Tapie, quand on discutait avec un coach qui ne le comprenait pas, on faisait un entretien, pas deux !

Il faut savoir s’adapter à l’institution. On a changé souvent d’entraîneur à l’époque, mais sans changer d’ambition, ni de cadre de fonctionnement, avec toujours l’intérêt du club au-dessus de tout. A Lyon, Rudi Garcia a compris ça alors qu’il n’a pas fonctionné comme ça lorsqu’il était à Marseille.

Sampaoli peut-il être le coach idéal ?

Je n’ai pas la réponse. Je ne connais pas assez ce monsieur et la relation qu’il peut nouer avec Pablo Longoria, son directeur sportif, et au-delà avec le président. De l’harmonisation de ce triumvirat dépendra l’avenir du club. Cela va au-delà d’un coach qui ne peut, de toute façon, pas fonctionner tout seul.

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