Son amour pour sa discipline, son parcours atypique, ses ambitions, ses croyances, la nouvelle coqueluche du MMA français Benoit Saint Denis se livre sans filtre.
Depuis votre défaite amère face à Dustin Poirier en mars, qu’avez-vous fait ?
J’ai combattu en grappling à l’ADXC4 de Paris (victoire face à Mark Diakiese, Ndlr). Ça m’a permis de remporter un combat entretemps. Maintenant je suis focalisé sur mon prochain à l’UFC Paris le 28 septembre face à Renato Moicano.
Quelle leçon avez-vous retirée de ce combat contre Dustin Poirier ?
A ce moment-là, ma santé me faisait un peu défaut. J’ai voulu combattre malgré tout. J’ai fait un premier round qui trompe un peu les apparences. Néanmoins, clairement, je ne veux plus me retrouver dans une situation similaire dans le futur. La défaite coûte beaucoup plus chère qu’une annulation de combat. Ma défaite contre Elizeu Zaleski – même s’il a été contrôlé positif plus tard – est un combat que j’ai perdu les armes à la main. J
‘étais en forme, mais il a été meilleur que moi ce jour-là. Je n’ai eu aucun regret et j’étais même fier. Contre Poirier, par contre, je reste déçu car je ne sais pas ce que cela aurait donné en pleine forme. Cela a donc été un combat frustrant. J’ai voulu me remettre de suite dans le bain. Je suis passé à autre chose. J’attends mon prochain combat avec impatience à Paris (le 28 septembre contre Moicano, Ndlr).
Après votre défaite à l’UFC 299, étiez-vous frustré ?
J’étais surtout frustré par mon état de forme. Je n’ai pas pu aller avec mes outils pour tenter de jouer ma chance à fond. C’était plus frustrant que lors de ma défaite face à Elizeu (Zaleski en 2021, Ndlr). J’avais pu lutter avec mes armes habituelles. Le fait d’être malade, ça a compliqué les choses. C’est une mauvaise expérience. Maintenant pour rebondir, il n’y a qu’une victoire qui peut faire oublier une défaite. Je dois aller gagner à Paris !
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« Les défaites remettent plus vite en question le quotidien d’un athlète »
Au fur et à mesure de vos combats et de votre carrière, êtes-vous de plus en plus sûr de vous et vos qualités ?
Les défaites remettent plus vite en question son quotidien et sa vie d’athlète. Quand on gagne, c’est moins le cas. Ça m’a permis de faire le point sur ce qu’il n’y allait pas. J’ai corrigé pas mal de choses.
Etes-vous impatient de retrouver votre public en France ?
C’est la 3ème fois que j’ai la chance de connaître cela. L’ambiance va être exceptionnelle. Il y a une communion avec le public qui va être incroyable. J’ai hâte d’y être. C’est le meilleur jour pour le MMA français chaque année, c’est l’UFC Paris. Ça fait vraiment plaisir d’y être. En plus comme tête d’affiche. C’est un honneur et un privilège. J’ai hâte d’y aller avec mes compatriotes et de briller.
Sentez-vous que l’engouement grandit en France autour du MMA ?
Il y a un engouement mondial pour le MMA qui a évolué. On le voit aux Etats-Unis. Au niveau médiatique, l’UFC est passé devant le baseball. C’est clairement devenu le sport de combat numéro un devant la boxe anglaise. Le MMA fait partie du paysage sportif mondial. En France, c’est encore assez nouveau. Il y a eu une explosion médiatique importante les deux-trois premières années. Aujourd’hui, ça se stabilise et ça grossit petit à petit.
La France a toujours aimé les sports de combat et notamment la boxe. Pensez-vous que le MMA comble un manque ?
La France a connu de grands champions pieds-poings. Malheureusement, cela n’a jamais été aussi médiatisé que la boxe anglaise. Aujourd’hui, le MMA permet de montrer que les athlètes français sont assez complets dans les sports de combat. Les écoles de sports de combat et d’arts martiaux sont nombreuses en France. Aujourd’hui, l’UFC peut proposer une carte à 80% avec des combats francophones. Ça montre qu’il y a des combattants de qualité.
Au moment de vous engager pleinement dans le MMA, sentiez-vous que ça pouvait être aussi populaire ?
Pas forcément. Je ne pensais pas à cela à l’époque. J’ai basculé dans le MMA par passion. J’ai attaqué le Jiu-Jitsu brésilien en 2017 chez mon coach de sol Christophe Savoca. Cela m’a beaucoup plu. J’étais encore à cette époque dans les forces spéciales à Bayonne. Début 2018, j’ai débuté la boxe. Cela m’a plu également. Je me suis alors demandé quel sport me permettrait de mélanger tout cela. Je me suis orienté vers le MMA progressivement.
Fin 2018, j’étais vraiment passionné de MMA donc j’ai attaqué une carrière professionnelle début 2019. J’ai eu la chance d’avoir la légalisation en 2020 en même temps que ma signature à l’UFC. Ça a permis de mettre mon visage sur la carte de l’hexagone MMA. J’ai bénéficié de cet engouement mais, en Europe, cela fait un moment que le MMA est présent, notamment aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Allemagne ou encore en Espagne.
Faire du MMA n’est-ce pas une continuité de votre engagement initial ?
Absolument. C’est même la continuité de ma philosophie de vie. Quand je me suis engagé initialement, c’était pour faire partie d’une aventure guerrière (sic). J’ai toujours été abreuvé de cette culture, de cet engagement, pour être challengé. Cela m’a toujours beaucoup plu. Faire du MMA n’est pas forcément une aventure individuelle, mais bien collective. J’ai un staff autour de moi. Au MMA, on a plus d’indépendance.
J’ai l’indépendance d’un chef. Quand on est dans l’armée, on est toujours le soldat de quelqu’un. A travers le MMA, j’essaie toujours d’honorer le drapeau tricolore. Néanmoins d’une autre manière dans une carrière sportive. Au MMA, il y a ce côté guerrier qui reste ancré naturellement. Mais il existe aussi cet aspect discipline, rigueur, engagement. Des valeurs déjà présentes au sein des forces spéciales, mais encore davantage en tant qu’athlète de haut niveau.
Benoit Saint Denis s’accroche à son équilibre sportif et familial
Espérez-vous susciter des vocations ?
J’ai la chance d’avoir une aventure sportive et familiale. Aujourd’hui, c’est mon métier à temps plein depuis deux ans avec ma femme Laura qui s’occupe de la partie sponsoring, agent… J’ai tout un staff à mes côtés. On parle d’une dizaine de personnes entre les coachs, le préparateur physique, le kiné, le manager sportif… Il y a beaucoup de monde autour d’une aventure de MMA. Ça met du temps d’être à l’aise avec cela.
Il y a encore un côté auto-entrepreneur. On est entouré de beaucoup du monde. C’est comme le décathlète. Il faut des spécialistes dans plusieurs domaines. Ça demande du temps de former une équipe compétente avec des gens compétents pour s’entraîner bien, de trouver une certaine harmonie. De plus en plus, le circuit français permet de trouver cela.
Etiez-vous doué pour d’autres sports au point de penser à en faire carrière ?
J’étais pas mal en judo et en rugby. Je les pratiquais à un bon niveau. Le rugby au poste de 3ème ligne aile, j’en ai fait un an et demi avec le LMR (Lille Métropole Rugby). A l’époque, ce club évoluait en Fédérale 1 (Nationale, Ndlr). Malheureusement, il a coulé pour des raisons financières. Je jouais n°6 comme Thierry Dusautoir que j’admirais beaucoup plus jeune. J’ai préféré le rugby au judo. Au judo, c’était très strict en termes de réglementations. Je trouvais qu’on ne pouvait pas s’exprimer pleinement lors de chaque combat.
Je retrouve plus cela dans le MMA. J’ai toujours beaucoup aimé le sport. J’aspirais à une carrière militaire. Mon père a toujours été une inspiration pour moi. Je suis l’aîné d’une fratrie de cinq garçons. J’avais surtout envie de me challenger. Je voyais avec les forces spéciales ce côté combattant d’élite avec des missions prestigieuses à honorer au nom de la France. Après mon BAC, je me suis donc orienté dans cette direction.
« Devenir champion à l’UFC serait le Graal »
Quelle a été votre réaction quand vous avez regardé du MMA pour la première fois ?
C’était le sport de combat qui offrait le plus de liberté. Il permettait aussi de manière réelle de déterminer qui était le meilleur combattant. Et non pas qui serait le meilleur tacticien, technicien… Au MMA, on définit le meilleur combattant dans tous les domaines dans un laps de temps assez long entre 15 à 25 minutes chez les professionnels. Je n’ai pas eu spécialement de modèles, mais j’ai senti dans ce sport, le sport original : deux hommes qui ont tous les coups permis. Tous les autres sports sont un dérivé du MMA. A mes yeux, le meilleur combattant de MMA est l’homme le plus fort du monde. Il y a toujours derrière ce côté originel, antique, grec…
Qu’est-ce que ça fait d’être l’un des visages du MMA en France ?
J’ai toujours cru en moi. Je fais du mieux que je peux. Je me donne entièrement à chaque combat. Après, c’est étape par étape. Les jeunes ont souvent l’envie d’avoir tout trop vite. Ça le peut. Ma carrière le prouve. Passer de 2019 à 2021 à l’UFC dans ma catégorie de poids (moins de 70 kg, Ndlr), c’est du jamais vu. Mais ça s’est fait étape par étape. J’ai beaucoup combattu et j’ai beaucoup gagné. Il faut prendre chaque combat les uns après les autres pour faire ses preuves.
Vous êtes devenu le porte-drapeau du MMA français. Le prenez-vous comme une mission ?
Je ne suis clairement pas le seul. Il y a plusieurs porte-drapeaux. Mais je suis fier de faire partie de la dizaine de noms français officiant dans ce sport.
Jusqu’où espérez-vous aller ?
Le plus loin possible. Je suis déjà concentré sur mon prochain combat. En cas de victoire, toujours aller plus haut.
Quelle est votre ambition suprême, devenir champion UFC ?
Oui. Je me suis engagé dans ce chemin pour aller le plus loin possible. Devenir champion à l’UFC serait le Graal. Je reste encore très jeune dans ma carrière en termes de combats. Je suis le combattant avec le moins de combats dans le top 15 de la catégorie la plus compétitive de l’UFC.
Benoit Saint Denis plonge dans l’univers de la BD
Comment est venue l’idée de faire cette BD, Benoît Saint-Denis, God of War (de Xavier Cucuel et Zefiro Giona, 15,90 euros, sortie le 25 septembre) ?
C’était une proposition que j’ai trouvé sympathique. Un combattant de MMA vit surtout de ses sponsors et des gens qui l’accompagnent dans son aventure plus que des bourses de combat. Cette opportunité a été proposée à ma femme Laura qui gère toute la partie extra-sportive. Elle me l’a exposée. Cela m’a plu. L’éditeur (Marabulles) a su me convaincre. Le projet a pris vite. Je suis content du résultat. Ça retranscrit mon aventure d’une manière un peu rigolote. C’est sympa. Le MMA est un sport jeune. Si ça permet à quelques jeunes d’avoir une histoire de plus pour avoir un chemin qui mène au MMA, ça peut éveiller des vocations ou juste de pratiquer ce sport.
Comment définissez-vous la marge entre performer et faire plaisir au public ?
C’est un équilibre à trouver. Mais on ne triche pas. Quand on combat, on se donne à fond. J’ai attaqué ma carrière professionnelle très jeune dans ce sport. Ce qui fait aussi que mon style est très engagé. Par rapport à certains de mes concurrents qui pratiquent des sports de combat depuis petit, j’accuse parfois un retard technique. J’essaie de combler cela par ma détermination et d’autres atouts.
Ne pensez-vous pas qu’à un moment donné il faudra justement moins se livrer pour se protéger davantage ?
Cela dépendra de l’adversaire, du style de combat. Mon style est engagé et il ne changera pas. Sauf que les outils techniques dont je dispose de plus en plus vont permettre de gérer davantage les combats, sur certaines phases plus qu’avant.
Cette image de champion du peuple vous définit-elle bien ?
Chacun définit un peu un champion comme il l’entend. Certaines personnes pensent sans doute ainsi par rapport à l’engagement que je mets dans mes combats. C’est plus intéressant pour eux quand il se passe des choses que quand un combat est plus partagé ou en dilettante.
A travers votre parcours personnel, quel message voulez-vous transmettre, qu’il faut croire en ses rêves plus que tout ?
Totalement ! J’ai complétement changé de trajectoire en cours de route. Je suis convaincu qu’on peut changer de carrière à tout moment. On peut se renouveler dans la vie dans plein de domaines. Nous ne sommes pas obligé de rester à vie dans le même métier. On peut se permettre de rêver. On peut et on doit croire en soi.
« Le dopage est malheureusement clairement présent »
Qu’aimez-vous le moins dans votre sport ?
Le dopage. Il est clairement présent. De une, l’organisation est privée. De deux, c’est une organisation américaine. Les Américains sont beaucoup moins regardants sur cet aspect. Les Brésiliens, les Russes, aussi, ont une relation avec les hormones et les substances illicites, très différente de la nôtre. En France, on porte un regard très critique sur le dopage. C’est une chance. Mais ce n’est pas vrai partout. Ce n’est pas toujours évident pour nous, combattants français, de comprendre cela. Cela fait partie du jeu.
Il faut l’accepter. Les Américains sont aussi dans cette discussion récurrente de savoir qui est le meilleur athlète. C’est impossible de le faire selon moi car il y a eu tellement d’époques différentes. Il faut plutôt comprendre et dire qu’il y a un meilleur athlète de sa période. Un athlète comme Jon Jones a été contrôlé plusieurs fois positif. Cela pose question. Pourtant, il reste LA superstar du MMA américaine. Chez nous, Richard Virenque a été contrôlé une fois, cela a été terminé pour lui.
N’avez-vous pas l’impression donc d’être pris parfois pour des imbéciles ?
Si clairement. Même là dans le tennis on l’a vu (avec Jannik Sinner finalement innocenté après deux tests positifs au clostébol en mars, Ndlr). C’est une histoire rocambolesque encore une fois. Je fais très attention à cela. Quand on me prescrit des médicaments, on peut regarder sur un site s’ils rentrent dans la liste ou pas. En réalité, les gens savent très bien ce qu’ils font. Les sportifs de haut niveau sont des gens intelligents. Il ne faut pas prendre les gens pour des abrutis. C’est dommage. Mais cela n’appartient pas qu’à mon sport. C’est présent partout.
Avez-vous parfois peur avant de monter dans la cage ?
C’est plus une peur liée à une envie de bien faire. Mais ce n’est pas une peur telle que vous pourriez la décrire.
A l’échelle mondiale, comment se porte le MMA français ?
Plutôt bien. On le voit. A Paris, il y aura neuf Français sur des combats compétitifs. Il y a de belles choses qui arrivent pour le MMA français.
Beaucoup de grandes stars de la discipline militent pour la présence du MMA aux Jeux Olympiques, quelle est votre position ?
Je n’ai pas un avis super tranché. C’est comme pour la boxe anglaise. Le porte-étendard de la discipline reste le sport professionnel. C’est difficile de rivaliser. Mais il y aurait de la place pour le MMA aux Jeux. Ce sport fait sens de par sa popularité. Le circuit amateur prend aussi de l’ampleur. Il y a donc quelque chose à faire. Après, comment cela peut être mis en place pose question.
« Le Président Macron a affiché son soutien »
Le président Emmanuel Macron vous suit-il ?
Il me suit quand même. Il m’a affiché son soutien lors de mon combat contre Poirier. Après ma victoire contre Matt Frevola aussi. Il s’intéresse. Je l’ai invité à venir à Bercy. Avoir le Président de la République française sur un premier événement, ce serait super. Cela permettrait définitivement de mettre le tampon agréé au MMA en France.
Avez-vous des amis très proches dans le sport hors MMA ?
J’ai gardé des amis de l’armée. J’ai pu discuter avec pas mal de boxeurs et les judokas aux Jeux. Mon coach de boxe anglaise est celui de l’équipe olympique française. Je garde un contact très serré avec le monde du rugby, notamment l’Aviron Bayonnais. Mon préparateur physique s’occupe des espoirs. L’Aviron me prête les infrastructures pour la préparation physique au moins une fois par semaine.
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Propos recueillis par Jean-Marc Azzola et Eric Mendes