lundi 2 décembre 2024

Euro : des doutes sur la Roja de Luis Enrique, privée de Ramos

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La Roja ne rêve que d’une chose : commencer cette décennie de la même manière que celle de 2010, en gagnant, surtout après deux Coupes du monde (1er tour et 8ème de finale) et un Euro décevant (8ème de finale). Il faudra commencer par ne pas commettre de faux-pas dans ce groupe E dont la 1ère place leur semble promise.

L’Espagne est la seule nation à avoir réussi l’exploit de s’imposer lors de deux Euros consécutifs en 2008 et 2012. Or, même si aujourd’hui il ne reste que peu de cadres ayant participé à ces campagnes, ces victoires sont restées dans l’ADN de cette sélection.

Lorsque les hommes en rouge et jaune commencent une compétition, c’est pour la gagner. C’est en tout cas à coup sûr cette mentalité que Luis Enrique va communiquer à son groupe.

Si cette sélection peut se surprendre à rêver d’une troisième victoire dans cette compétition, c’est tout d’abord grâce à une campagne de qualifications exceptionnelle réalisée par les coéquipiers de Sergio Ramos.

Dans une poule où les Suédois faisaient figure d’outsiders pour la 1ère place, la Roja a assumé son statut et n’a pas tremblé une seconde. Ils n’ont tout simplement pas connu la défaite, 8 victoires et 2 nuls avec en moyenne plus de trois buts par match et un but encaissé toutes les 180 minutes. Une démonstration qui ne peut que donner de la confiance à ce groupe.

La Roja n’a jamais tremblé pendant les qualifications

Surtout que ce n’est pas la seule compétition de préparation qu’ils ont gérée à merveille lors de ces deux dernières années. Dans un groupe de Ligue des Nations extrêmement relevé avec l’Allemagne, la Suisse et l’Ukraine, les hommes de Luis Enrique ont dominé en prenant la 1ère place du groupe en ne connaissant la défaite qu’à une reprise en Ukraine.

Hormis ce faux-pas 1-0 à Kiev, on a pu voir des victoires de prestige comme le 1-0 arraché contre la Suisse, le 4-0 à domicile contre l’Ukraine et surtout la performance probablement la plus marquante en Europe ces trois dernières années, la claque 6-0 infligée à la formation de Joachim Löw. Si l’on combine tous les matches officiels disputés par l’Espagne depuis la dernière Coupe du monde, le bilan est monstrueux : 11 victoires, 4 nuls et 1 seule défaite !

Ces super résultats n’étonnent pas le moins du monde Tracy Rodrigo, journaliste sur le site FuriaLiga.fr et également intervenante sur Eurosport.fr.

Un renouveau pour la Roja mais l’Euro à valeur de test pour Enrique

« La Roja ne perd pour ainsi dire jamais en qualifications. Par exemple, la dernière fois pour une qualification en Coupe du Monde c’était le 31 mars… 1993 ! A l’époque, elle avait perdu contre le Danemark et le sélectionneur était Javier Clemente. Une tout autre époque dans la façon de pratiquer le football en Espagne.

D’ailleurs, fut un temps, elle était même surnommée la championne du monde des matches amicaux. Elle peut plier, mais ne rompt pas, elle engrange des points et se qualifie sans encombres. Cette campagne ne fait pas exception malgré toutes les interrogations que l’on peut avoir. »

C’est donc une habitude pour cette équipe de trouver des certitudes avant les grands rendez-vous. Or des certitudes, elle peut assurément en trouver au sein de son effectif et notamment grâce à ses cadres. Même si Luis Enrique a surpris en ne prenant aucun joueur du Real dans sa sélection. Sergio Ramos, longtemps blessé, ayant expliqué par ailleurs qu’il n’était pas prêt pour jouer l’Euro.

Beaucoup de questions à résoudre pour Luis Enrique

Dans cette liste, on peut également rajouter les noms de Jordi Alba, de Sergio Busquets ou encore dans une moindre mesure de Koke et de Thiago Alcantara, Mais aussi de Cesar Azpilicueta, récent vainqueur de la C1.

Mais ce ne sont pas que des vieux roublards qui sont destinés à mener cette équipe au plus haut niveau cet été, ce sont également de jeunes pousses talentueuses qui, selon Tracy Rodrigo, « arriveront à maturité davantage pour le prochain Mondial voire pour l’Euro 2024 ».

Mais le talent est assurément déjà là. Si Ansu Fati n’est pas remis, Ferran Torres est un des plus gros talent de cette jeune garde.

Sa saison avec Manchester City est magnifique et il a déjà su se mettre au niveau en équipe nationale avec 6 buts en 10 capes. Le joueur né en 2000 est rapide, technique, créatif, finisseur, en somme il a toute la palette pour devenir un des meilleurs ailiers de la planète. Il n’est toutefois pas le seul qui est destiné à assurer la relève de cette équipe espagnole.

Dans le secteur offensif, des joueurs comme Pedri ou Dani Olmo ont déjà montré d’excellentes choses sous la tunique de leurs clubs cette saison et ils ont tous rejoint le groupe de Luis Enrique. Ils sont assurément en bonne posture pour avoir un rôle déterminant dans cet euro.

Une charnière centrale jeune mais prometteuse

Derrière, on essaie de trouver les remplaçants de Sergio Ramos, et ce sont Pau Torres et Eric Garcia qui se dégagent dans la course pour ce poste. Pau Torres est légèrement plus âgé avec ses 24 ans et il est probablement la valeur la plus sûre à l’instant T.

Il réalise une superbe saison en étant le leader défensif de son équipe de Villarreal, une des meilleures défenses de Liga. Eric Garcia quant à lui est la pépite, le talent brut. Né le 9 janvier 2001, il évolue à Manchester City et s’il n’a pas encore réussi à faire sa place derrière ce tandem incroyable composé de John Stones et de Ruben Dias, il est un joueur très apprécié de Pep Guardiola.

Il a par exemple déjà pris part à 3 rencontres de Ligue des Champions cette saison et semble désormais avoir la main mise sur son groupe et être prêt à l’amener au plus haut niveau. On a parlé des exploits de cette magnifique équipe d’Espagne entre 2008 et 2012 mais, depuis, les résultats sont bien plus compliqués.

Une élimination en phase de groupes en Coupe du Monde 2014, une élimination en huitièmes de finale à l’Euro 2016 et le même résultat lors du dernier Mondial en Russie.

Des résultats catastrophiques que les Espagnols n’ont tout simplement pas le droit de reproduire cet été. Si l’on rajoute à cela les résultats un petit peu plus compliqués des clubs espagnols sur la scène européenne depuis deux ou trois saisons par rapport à l’immense période de domination connue au cours de la décennie, cette compétition semble simplement devoir être un pilier pour la reconstruction du football dans ce pays.

De ce fait, ils arriveront dans cette compétition avec une grosse charge mentale et une énorme pression sur les épaules. Tracy Rodrigo en est convaincue.

Éviter une nouvelle humiliation après quatre ans difficile

« Après avoir dominé le football par les résultats, mais aussi par l’influence dans le jeu, la Roja et la Liga sont dans un creux depuis plusieurs saisons. Le niveau et la concurrence ont baissé, les rencontres ne sont plus aussi passionnantes même si on constate un regain avec un sprint final haletant. Mais est-ce par une amélioration du niveau global ou par une baisse ?

Là est toute la question. Avec la Roja, les dernières compétitions ont été catastrophiques avec, en point d’orgue, ce huitième de finale de la Coupe du monde perdu aux tirs au but contre la Russie dans une ambiance cataclysmique à la suite du licenciement de Julen Lopetegui par Luis Rubiales tout juste élu président de la Fédération deux jours avant le début du tournoi.

L’intérim assuré par Robert Moreno, adjoint de Luis Enrique qui était au chevet de sa fille, s’est très mal achevé puisque celui qui est ensuite devenu coach de Monaco pensait pouvoir garder un poste qu’il avait promis de rendre à l’ancien joueur du Barça. A l’image de tout son football, la Selección ne sait pas exactement où elle en est.

L’Euro peut constituer un point de départ en prévision du Mondial, voire de l’Euro 2024. Contrairement aux précédentes compétitions, l’Espagne se doit de montrer un visage plus intéressant. Ne pas aller loin est une chose, quitter de tels évènements piteusement est plus difficile à encaisser.

Il y a eu un petit renouvellement sous Luis Enrique et sans espérer forcément la victoire finale (même si ça reste envisageable forcément), ce que l’on souhaite voir, c’est ces nouveaux visages et ce renouveau sur le terrain. »

La Roja, une sélection trop instable ?

Le doute majeur qui encadre cette équipe, c’est le manque de stabilité. En moyenne, depuis sa prise de fonction, Luis Enrique appelle trois joueurs qui n’ont jamais connu la sélection à chaque rassemblement. Or, une telle différence de groupe d’un match à l’autre, même si ça a des résultats pose forcément des gros doutes à l’aube d’une grande compétition.

« Luis Enrique fait des choix forts, mais cela semble assez décousu dans l’ensemble. Le turnover est dû aux blessures, aux méformes et aux interrogations de Luis Enrique. C’est une équipe qui oscille entre des éléments très jeunes, d’autres expérimentés et d’autres bien cotés en Liga, mais dont on peut douter du niveau dans une telle compétition. Bien entendu cela pose forcément la question des automatismes.

Le débat est quelques fois revenu en Espagne et cette impression de collectif parfois décousu peut venir de cette absence de continuité dans certains secteurs. Le poste de gardien est par exemple un problème essentiel : David De Gea a perdu sa place, Kepa Arrizabalaga qui a également joué n’est même plus convoqué depuis que Mendy lui a pris sa place à Chelsea.

A l’heure actuelle, c’est Unai Simon, le gardien de l’Athletic qui est titulaire. Il est jeune, peu expérimenté au très haut niveau. On pensait que malgré ses hauts et ses bas, De Gea resterait en place, même s’il n’a jamais pleinement convaincu lors des compétitions internationales. Cette situation se répète à de nombreux postes. Sergio Ramos et Dani Carvajal seront-ils sur pied ? Qui jouera au milieu ? Avec quel attaquant de pointe ? A moins que cela soit un faux 9. Beaucoup de questions auxquelles les qualifications n’ont pas su répondre. »

Des doutes sur toutes les lignes pour la Roja

Tant d’interrogations que Tracy Rodrigo n’est pas la seule à avoir. Il paraît tout simplement impossible de dégager une équipe type et, sur les 23 joueurs qui composeront le groupe pour cet Euro, on peut n’avoir de certitudes que pour 12 à 15 joueurs.

Aucune autre grosse nation du football européen n’est à ce point dans cette situation, aucune autre grosse nation du football européen n’a autant de chantiers avant le coup d’envoi de la compétition. En plus de ne pas savoir qui va débuter les matches, ce turnover intensif prouve une autre chose : d’un match à l’autre on ne sait pas vraiment ce que le joueur sur le terrain va apporter à l’équipe.

Pas d’équipe type pour les Espagnols

Beaucoup de membres de cet effectif ont du talent, du potentiel, mais ne semblent pas être assez mûrs pour être consistants sur les 7 matches que devra jouer l’Espagne si elle veut soulever le trophée. Or même certains cadres posent question, Sergio Ramos et Dani Carvajal ne sont pas là, Jordi Alba ne fait pas la meilleure saison de sa carrière, Sergio Busquets joue bien, mais joue beaucoup, voire beaucoup trop, sera-t-il encore en forme fin juin ?

Pour résumer, cette sélection est un immense paradoxe, des super résultats, mais avec plus d’interrogations et de doutes que n’importe qui. Il ne paraît pas insensé d’affirmer que du fait de tous ces questionnements, elle sera peut-être l’équipe la plus intéressante à suivre. Cette compétition peut représenter le chant des cygnes définitif pour la génération dorée, mais peut également être le tremplin parfait pour certains jeunes vers le plus haut niveau mondial.

La chance qu’ils ont, c’est de tomber dans un groupe qui semble largement accessible et qu’une bonne phase de poules pourrait donner de la confiance à l’ensemble du groupe et des idées plus claires au sélectionneur avant d’aborder la phase finale. Une phase finale qui de surcroît pourrait s’ouvrir à nouveau par un match à la portée des hommes de Luis Enrique s’ils arrivent bien à assurer la 1ère place de ce groupe E.

Les résultats sont importants pour n’importe quelle nation se lançant dans une compétition internationale, mais en Espagne plus qu’ailleurs, la manière comptera énormément également. Si cet Euro s’avère ne pas être le retour de l’équipe au plus haut niveau, il faudra au moins qu’elle soit la base autour de laquelle construire les futurs objectifs de cette immense nation de football.

Robin Wolff

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