PAR PHLIPPE CARNUS, EN DIRECT DES PARALYMPIQUES
Très marqué par l’aventure paralympique qu’il vient de vivre en tant que capitaine de l’équipe de France, Yannick Noah revient sur l’échec de l’équipe de France de tennis-fauteuil, qui repart bredouille de Paris. L’ancien vainqueur de Roland Garros relativise et parle surtout du positif.
Yannick, vous aviez prévenu, dans ce tournoi, ce serait très difficile d’avoir une ou deux médailles…
Oui en simple nous avons été surclassés. Stéphane a fait un bon match en quart. Ils étaient plus forts que nous. En double en revanche, il y avait un peu plus de place. C’est une déception. Quand on est sur le banc on voit beaucoup de choses mais c’est toujours plus facile. La vie continue.
Nous avons vécu une expérience unique. Je n’ai jamais vu autant de monde pour des matchs de paratennis. Le public était avec nous. C’est une expérience que l’on vit une fois dans sa vie pour ce sport.
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Vous la prenez pour vous cette défaite ? On vous a fait venir pour gagner et finalement il y a un échec…
Il y a toute une question de perspective et de nuance, gagner ou perdre, victoire ou défaite, mon équipe a tout fait. Nous avons bossé, beaucoup parlé et fait beaucoup de vidéo. Le sport c’est comme ça, il faut accepter de perdre. Bien sûr que je suis déçu. J’étais attaché à ces gars, on aurait mérité une médaille. C’est comme ça le sport, il y a les adversaires, ça joue.
« C’est l’une des plus belles expériences de ma vie »
Qu’est ce que vous tirez de cette première expérience unique ?
Je suis dans le tennis depuis que je sis môme. Le tennis m’a beaucoup donné depuis que je suis tout petit. Vivre cette expérience grâce à Stéphane, c’est mon ADN. Avec le staff, les familles, grâce au tennis, je ne l’oublierai pas, jamais. C’est l’une des plus belles expériences de ma vie.
Vous voulez continuer avec cette équipe ?
C’est difficile de prendre une décision à chaud. C’est beaucoup d’émotions. Vous savez quand on vit un truc comme ça, certains se sont mis au tennis en pensant aux jeux. On va tous, que ce soit les joueurs, les familles, le staff, les volontaires… On va avoir un réveil difficile. Il va falloir gérer ça, je l’ai déjà vécu. Ce sera une gueule de bois puissante, chacun va le gérer comme il l’entend. En tout cas, je serai là pour cet atterrissage. Après on va voir avec Gilles Moretton (Président de la FFT) qui a mis les moyens. Voir Roland Garros plein qui découvre le tennis en fauteuil, pour la grande majorité, c’est l’objectif de voir les gamins qui sont dans cette situation, avec le tennis, c’est une belle thérapie.
Au-delà du sport, avez-vous reçu une vrai leçon de vie…
Oui, c’est la raison pour laquelle j’ai accepté cette aventure. J’avais déjà eu des contacts pour occuper ce poste. Mais là, participer, être dans l’équipe, aux entraînements. Dans mon coaching, il y a de l’affect. Moi je veux entraîner comme cela. Ils m’ont donné beaucoup. J’ai beaucoup de gratitude.
« Ce sont des gens qui n’ont pas une vie simple. C’est plein de leçons mais ça reste du tennis »
On vous sent ému, bouleversé…
Oui, nous nous sommes beaucoup entraînés au CNE. La première compétition à laquelle je participe, ce sont les championnats d’Europe en Turquie. Il y avait 40 personnes, les deux équipes pour ces demi-finales. Je peux vous dire que quand je suis arrivé à Roland Garros, je l’ai vécu avec les para sur des cours annexes, il n’y avait pas grand monde. C’est normal, les gens ne le savent pas. Ce qui m’a plu, c’est rentrer sur le court avec ces mecs qui le méritent tellement. On fait ce sport pour le spectacle. Il y en a des émotions. Ce sont des gens qui n’ont pas une vie simple. C’est plein de leçons mais ça reste du tennis. Il y avait du monde avec des gens qui rentraient de vacances, des gamins qui étaient là avec la rentrée des classes…
…
Je me suis éclaté en tant que spectateur pendant les jeux. Là, je me suis éclaté sur les paralympiques. Il y a que le sport qui peut te donner ça. C’est comme une parenthèse de joie, c’est comme si on allait s’aimer. Quand cela se passe, c’est puissant. Et tu sais que dans trois jours, les lumières s’éteignent. Il va falloir s’accrocher.
Vous avez voulu vous mettre en retrait, vous vouliez rester à votre place, ne pas vous mettre en avant…
Oui comme je le disais, je suis un passeur de relais. Beaucoup de gens découvrent que c’est du sport, qu’il y a beaucoup de travail, que c’est un spectacle. C’est eux les acteurs, c’est eux qui jouent. Pas moi. Je n’étais pas à l’aise de prendre une place qui n’était pas la mienne.
Depuis 2008, Stéphane a toujours gagné une médaille, ce n’est pas le cas pour cette édition, comment vous l’expliquez ?
Il a gagné sa première médaille en 2008, il avait quel âge ? Stéphane a fait des jeux incroyables, peut-être qu’il a parfois moins bien joué, il a quand même gagné des médailles. Stéphane, il a ses six gosses au bord du court. Quand il avait commencé, il en avait peut-être pas. J’ai rencontré un mec sur le plan humain extraordinaire. C’est un champion. Il a joué contre des gens qui avait l’âge de ses gamins. Tu t’imagines si moi je rejoue au tennis contre des plus jeunes… je ne suis même pas dans les qualifications. J’ai un respect incroyable pour lui, il est très méticuleux dans le sport. Il a vraiment des choses que sur le coup j’ai apprise. Il a beaucoup de choses à apporter à des joueurs de l’équipe de France valide. Je l’ai vécu de l’intérieur. Bon la blague ce serait qu’il a perdu parce que c’est moi qui ai coaché… J’ai tellement de respect pour lui avec tout ce que nous avons vécu.
INTERVIEW – Stéphane OUDET : « Mes médailles, ce sont mes enfants »
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Stéphane Houdet, c’est un leader, il a un palmarès. Quand tu as 53 ans, il faut changer ta manière de jouer. En quart de finale, il a fait un match incroyable. En double, il a fait aussi de belles choses. Bien évidemment que je voulais une médaille, je suis un rêveur. On s’aime toujours. On verra la semaine prochaine pour la suite.